Petite histoire subjective de la chaîne de montage - 4. Groupe Medvedkine

Bruno Muel et le groupe Medvedkine de Sochaux se concentrent quant à eux sur le témoignage de ceux qui n'ont pas la parole : les ouvriers eux-mêmes. Avec le sang des autres (1974), dont les images d'ouvriers au travail ont été obtenues par la ruse (elles ont été prises par une équipe de journalistes anglais faisant croire à Peugeot qu'elle réalisait un reportage sur la modernisation de l'industrie en Europe), présente entre autres un témoignage puissant et définitif (celui de Christian Corouge) sur les dégâts causés par l'organisation scientifique du travail qui « bouffe les mains ».

L'imaginaire véhiculé par la chaîne d'assemblage n'a pas disparu de l'horizon cinématographique avec la casse industrielle des années 1980-2000 et la société de consommation post-industrielle : le fordo-taylorisme des origines a muté pour s'adapter aux structures de l'industrie tertiaire. Les figures du contremaître et du patron ont disparu derrière celle du consommateur. On peut le voir notamment dans les spots publicitaires « So Colissimo » et  « Services TGV » (2010) : dans le premier, les ouvriers sont des marionnettes pilotées par le caprice d'un couple qui semble manier un joystick ; dans le second, les employés ne sont plus que des ombres qui forment une chaîne invisible, toute entière dédiée au bien-être d'un individu. L'hyperindividualisme contemporain qui se manifeste dans ces films publicitaires euphémise la chaîne et en fait la figure « naturelle » de l'exploitation de tous par tous.


Les extraits figurant dans ce module audiovisuel ne sont pas bruts, ils font l'objet d'une re-création subjective et critique.

Texte et création audiovisuelle : Emmanuel Chicon.

Réalisé dans le cadre du cours "Pratique(s) du spectateur" dispensé à des étudiants en Licence 1 parcours Arts du spectacle, Université François-Rabelais de Tours, année universitaire 2014-2015.