The Trashmaster

Analyse de la première séquence de The Trashmaster, long métrage diffusé en 2010. La particularité de ce film, qui a nécessité deux ans de travail, est qu'il a été réalisé quasiment en solitaire par le Français Mathieu Weschler, avec un budget de cinq cents euros (dont la plus grande partie a été consacrée à l'achat de disques durs) à partir du jeu vidéo Grand Theft Auto IV : c'est un « machinima ».

Le terme « machinima », apparu à la fin des années 1990 par accolement des mots « machine » et « cinéma » (on y entend aussi le mot « animation »), renvoie à une pratique, souvent individuelle et amateur, qui consiste à réaliser un film dans un environnement virtuel tridimensionnel généré en temps réel, par exemple celui d'un jeu vidéo. Cette pratique de détournement et d'appropriation a évolué avec les progrès des moteurs 3D des jeux vidéo, mais surtout avec l'intégration d'éditeur de séquences et la création de logiciels de capture spécifiques qui permettent d'enregistrer en direct les parties de jeu. Le jeu vidéo se présente alors comme un espace de tournage virtuel prédéfini où le joueur devient tout à la fois le réalisateur qui préside à la mise en scène, l'acteur (il joue au sens propre tous les rôles) et le cameraman. Une « Académie des arts et sciences du machinima » a même vu le jour en 2002 aux États-Unis, et un grand nombre de festivals promeuvent le genre — du moins sa technique, car les productions sont pour le moins disparates : de la série comique à la vidéo expérimentale, du thriller à la parodie, les enjeux esthétiques et narratifs des machinimas sont multiples et les ambitions artistiques plus ou moins affirmées.

The Trashmaster se classe à l'évidence du côté du cinéma. C'est moins pour jouer avec l'univers fictionnel du jeu Grand Theft Auto IV (2008) que pour donner corps à un scénario déjà écrit et faire un film sans argent ni contact dans le milieu de la production cinématographique que Mathieu Weschler a choisi la forme du machinima. Pour ce jeune réalisateur de publicités et de clips, passionné de jeux vidéo et de cinéma, la technique du machinima était prometteuse dans la mesure où, via la capture de séquences et le choix d'angles de prise de vues, il pouvait sélectionner des plans qu'il assemblerait ensuite grâce à un logiciel de montage. Pour coller aux décors urbains de GTA IV, il ne restait plus à Mathieu Weschler qu'à adapter son scénario en transformant son personnage d'éboueur justicier parisien en — pour citer ses propos — « nettoyeur à la Bronson », dans un New York glauque et ultra-violent. Le travail extrêmement minutieux de Mathieu Weschler a consisté à prélever des séquences durant les phases de jeu, à créer les angles de prise de vues souhaités dans l'éditeur de ce dernier, à exporter les différents plans obtenus et à les assembler avec un logiciel de montage, à enregistrer une bande son et à en faire le mixage. Les seules interventions extérieures ont été celle d'un comédien pour l'enregistrement de la voix off et celle d'un ingénieur du son pour le mixage : le film a été réalisé en solitaire à 97 %.

Texte et montage : Claire Châtelet, maîtresse de conférences en audiovisuel et nouveaux médias, conceptrice de projets interactifs. Ciclic, 2014.

Avant de regarder notre analyse de l'ouverture de The Trashmaster, il est conseillé de regarder les dix premières minutes du film, qui a été posté par son réalisateur Mathieu Weschler sur Dailymotion.