4. Refoulé, le passé resurgit

Le passé soviétique revient dans certains films contemporains comme un subconscient refoulé dont on ne peut se débarrasser facilement. Dans My Joy de Sergueï Loznitsa (Schastie moe, 2010), chaque lieu visité par le personnage, un conducteur de camion égaré sur les routes de la Russie profonde, déclenche un flash-back, renvoyant parfois à un passé lointain, la plupart du temps violent. Ces violences passées semblent nourrir et, d’une certaine manière, expliquer les violences d’aujourd’hui, signant leur caractère inéluctable.

Dans un autre film récent, La Selle turcique de Yousoup Razykov (Touretskoe sedlo, 2017), le héros est un ancien membre du KGB qu'une étrange maladie amène à reproduire des comportements passés. Il se met à suivre les gens dans la rue, comme s’il faisait encore son travail d’espion. Sur l'affiche du film, la tagline en dit long sur ce rapport biaisé au monde et aux autres : « Je suis derrière vous – nous sommes ensemble. » Nous retrouvons dans cette phrase toute l'ambiguïté de l'époque soviétique, où « l'être ensemble », si central dans l'idéologie d'alors, était en réalité souvent remplacé par un contrôle et une surveillance constants exercés sur les citoyens.

Affiche de La Selle turcique de Yousoup Razykov.

Affiche de La Selle turcique de Yousoup Razykov.

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Auteur : Eugénie Zvonkine, maîtresse de conférence en études cinématographiques et  audiovisuelles et essayiste. Ciclic, 2018.