Mourir de peur - 2. Les Diaboliques

Dans Les Diaboliques (1955) d'Henri-Georges Clouzot, le cœur fragile de Christina Delasalle ne résiste pas au choc de voir revenir d'entre les morts Michel, son odieux mari qu'elle pensait avoir contribué à tuer.

Il s'agit bien sûr d'une mise en scène, donnée comme telle à la fin de la séquence, et destinée à terrifier la jeune femme cardiaque. Notons que des quatre films que nous envisageons, seul La Momie ne remet pas en cause la composante surnaturelle de son récit. Comme si l'excès d'horreur qui, dans les trois autres films, conduit un personnage à littéralement mourir de peur devait y être relativisé par une explication d'ordre rationnel, psychologique ou mental : mise en scène criminelle dans Les Diaboliques, culpabilité hallucinatoire dans Les Trois Visages de la peur, rêve dans Mulholland Drive. De ce fait, la peur du spectateur est d'autant plus tributaire de celle du personnage, plutôt que de la croyance à des phénomènes parnormaux.

Un plan semble rapprocher cette séquence des Diaboliques de celle de La Momie, pour mieux l'en distinguer : celui, à la 15e seconde, de la main gantée qui entre dans le champ et glisse sur la rampe de l'escalier, comparable à celui de la main ravinée de la main d'Im-Ho-Tep qui vient lentement se poser sur le papyrus. Mais dans La Momie, le gros plan de la main constitue le fait effrayant en soi, alors que dans Les Diaboliques ce n'est qu'un élément, parmi bien d'autres (visuels ou sonores), d'une construction qui vise à faire grimper l'inquiétude du personnage féminin, et du spectateur, jusqu'à l'effroi d'une découverte terrifiante : de même que les séquences des Trois Visages de la peur et de Mulholland Drive que nous allons aborder, celle du film de Clouzot repose sur le diptyque « montée en puissance / surgissement », ou encore, pour parler en des termes qu'Alfred Hitchock opposait l'un à l'autre : « suspense / surprise ». (On mesure la singularité de la séquence de La Momie qui, bien qu'il soit le plus ancien des quatre films examinés ici, repose sur un ressort moins classique : une lenteur pétrifiante, plutôt qu'un surgissement terrassant.)

Montée en puissance / surgissement : l'analogie est évidente avec le processus sexuel masculin, dans des films fantastiques (ou des thrillers) massivement réalisés par des hommes, et souvent très sexualisés. Dans Les Diaboliques, le principe est cruellement mis en abyme puisque un personnage masculin l'applique à une mise en scène dont l'unique but est de tuer une femme. 

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Auteur : Jean-François Buiré. Ciclic, 2016.