Irinka & Sandrinka – Ateliers

Les images et le son : contre ? tout contre ?

Le film entretient un rapport non illustratif entre images et sons. Une des premières difficultés dans le travail sur le film est donc de tenir compte de tous les éléments simultanés. Ainsi un exercice révélateur peut être de faire un découpage séquentiel du film en ne tenant compte que de l’entretien Irène-Sandrine puis d’en faire un qui ne tienne compte que des images. La comparaison entre les deux révélera la complexité de la structure du film.

Avec le coin rouge, bats les blancs ! (El Lissitzky, 1919-1920)

L’importance des affiches de propagande soviétiques est évidente dans le film. En prenant l'exemple de cette affiche de Lissitzky assez connue, nous pourrons mettre en évidence leurs constantes formelles (couleurs, formes, utilisation de la typographie). Une fois ces éléments mis en évidence nous pourrons observer la manière dont Sandrine Stoïanov les utilise dans le film (par exemple, lorsqu’elle fait apparaître plein écran des images d’archives, mais les « découpe » en deux morceaux géométriques coloriés en rouge et en vert, à 3 min 11).

Le film d’animation et la démarche documentaire

Une des particularités du film est le rapport qu’il tient à maintenir avec des points de départ réels, qu’il s’agisse d’objets (les trois objets souvenirs du grand-père) ou de la réalité d’un entretien (le point de départ du film est celui avec Irène enregistré par Sandrine), alors qu’on attend le film d’animation plutôt sur le terrain de l’imaginaire. Il peut être intéressant d’établir des parallèles avec d’autres films d’animation travaillant le lien entre la démarche documentaire et le souvenir et l’imaginaire individuels, tels que Valse avec Bachir d’Ari Folman (2008, cf. image ci-dessous) ou Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (2007). N’oublions pas que la bande dessinée, quant à elle, explore le rapport entre l’imaginaire et la mémoire de l’Histoire depuis longtemps (dans Maus d'Art Spiegelman, par exemple).

NOTA : à ce sujet, on pourra également consulter cette autre ressource d'Upopi.

La sobriété d’une victime de l’Histoire

Les mots lors du générique de fin sont révélateurs. Irène parle de la maison des Stoïanov mise à sac, mais sans se dire choquée ou traumatisée par ces événements violents : elle n’exprime sa tristesse que par rapport à l’album photo disparu. Ce déplacement révèle la sobriété de son expression. Irène ne parle pas frontalement de sa souffrance. Celle-ci transparaît cependant violemment dans ses derniers mots : « Je n’y retournerai jamais. » Il serait intéressant de travailler sur son expression verbale toute en retenue (euphémismes, litotes et déplacements) et sur la manière dont Sandrine Stoïanov exprime cette souffrance non dite par ses images.

Eugénie Zvonkine, 2008.