Séance 4 - un cinéma de rêve

Dans cette séance, on découvre un cinéma libéré des contraintes du réalisme.

Dans les années 1920, divers films se réclament des grands courants artistiques qui bousculent le monde de l'art : ainsi, Le Ballet mécanique de Fernand Léger et Dudley Murphy (1924) se veut cubiste, Entr'acte de René Clair (1924) surréaliste, Berliner Stilleben de László Moholy-Nagy (1926) laisse poindre l'influence du Bauhaus, Vormittagsspuk (Fantômes du matin) de Hans Richter (1927) est assimilé au dadaïsme*... Ces films des avant-gardes historiques développent des hypothèses esthétiques liées au mouvement, à la lumière, à l'objet, à la machine. Bien que venant de la peinture, Fernand Léger explique qu'il s'est réellement découvert cinéaste : « Grâce à la caméra, j'ai fait alors bouger des objets qui ne bougent jamais et j'ai vu qu'ils prenaient un sens objectif. »
Ces films jouent avec des éléments typiquement cinématographiques : la répétition, la reprise, le gros plan, les cadrages obliques, le flou et la superposition. Tous ces éléments, qui perturbent notre vision, tendent à rendre irréelle la réalité, en nous montrant le monde tel qu'il n'a encore jamais été vu.

Exemple de film des avant-gardes historiques : Fantômes du matin de Hans Richter

(Allemagne, 1928, 7 min) (accompagnement musical recréé sur ce lien, l'original ayant été perdu)

Film ludique de l'Allemand Hans Richter, à l'humour dadaïste, Fantômes du matin fut très mal vu par le régime Nazi qui qualifia ce film d'« art dégénéré ».
Nous sommes en permanence entourés de choses que nous considérons comme inanimées. Mais les choses sont aussi des êtres nous dit Hans Richter. Et lorsqu'on les « laisse vivre », elles nous révèlent des nouveautés insoupçonnées : les chapeaux, cols, tuyaux d'incendie ou mains de poupées sont aussi vivants que des yeux, des souris ou même des branches... Richter cherche à « libérer l'objet de sa signification rationnelle ». Son film provoque chez le spectateur une attention flottante propice aux rêves, à la mise à distance de ce qui est représenté, entraînant un éloignement qui trouble notre perception, comme lors du sommeil (« L'homme n'est pas seulement un raisonneur mais aussi un dormeur » nous rappelle l'écrivain Maurice Nadeau).

Le mouvement artistique Dada a été créé en 1916 à Zurich par Tristan Tzara. Son programme : faire table rase des conventions sociales et artistiques. Le peintre Francis Picabia le définit ainsi en 1919 : « Dada ne veut rien rien rien ».

Discussion

- On peut aborder ce film avec les élèves en évoquant le thème de la révolte des objets, si souvent mis en œuvre par le cinéma burlesque, la science-fiction ou le fantastique. Ici, quels objets se révoltent ? Que font-ils ?
- Peuvent-ils évoquer des histoires où les objets s'animent, se révoltent, se déplacent ? On peut penser par exemple aux romans Pinocchio de Carlo Collodi, Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll, ou aux films La Belle et la Bête de Jean Cocteau, Il était une chaise de Norman McLaren, la série des Fétiche de Ladislas Starewitch, ou celle des Koko le clown des frères Fleischer, Toy Story de John Lasseter... ou même encore à de nombreux contes et aux fables par exemple !
- Pourquoi les écrivains ou les cinéastes s'amusent à vouloir donner vie à des objets inanimés ? L'idée de mécaniser des choses, de les faire bouger seul, quelque soit leurs formes, a aussi généré la création des automates, puis des robots.

Atelier

. Vous pouvez demander aux élèves de rédiger une courte nouvelle dans laquelle un objet du quotidien décide de s'animer. Leur récit (composé par leur commentaire face à cet objet animé) devra se faire en fonction de l'objet choisi et des envies que celui-ci pourrait avoir.
. Si on a le temps, on pourra se lancer ensuite dans la réalisation d'une courte séquence vidéo où on animera l'objet image par image (voir la séance sur l'animation d'objet du parcours cinéma d'animation) 


Auteur : Sébastien Ronceray. Ciclic, 2015.