Séance 1 : Qu’est-ce qu’un raccord ?

Matériel nécessaire

. un ordinateur
un vidéoprojecteur
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 une paire d'enceintes
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 un écran, ou une surface sur laquelle on peut projeter des images.

Objectif de la séance

Au cours de cette première séance, il s’agit de poser quelques principes élémentaires de l’expression cinématographique.

Le plan constitue l'élément de base de cette expression : caractérisé par sa continuité spatiale et temporelle (ou par l'impression qu'il donne de cette continuité), le raccord se définit le plus souvent comme une prise de vues mise en forme (elle est plus ou moins coupée à son début et à sa fin) pour être insérée dans un montage cinématographique, constitué de différents plans.

Le photogramme constitue, pour sa part, la plus petite unité photographique du cinéma. À la vitesse standardisée de prise de vues, une seconde de film est constituée de vingt-quatre photogrammes successifs.

Le raccord peut être défini comme la manière dont s'effectue le passage de plan à plan, ou plus précisément : du dernier photogramme d'un plan au premier photogramme du plan suivant.

Le raccord constitue l’une des différences fondamentales entre le cinéma et la photographie : il permet de faire en sorte qu'un film ne soit pas constitué de blocs autonomes juxtaposés, en établissant une relation entre ceux-ci. Tout comme la composition du plan, par exemple, il est porteur de sens, de rythme et d'émotion, et peut être considéré comme un élément de mise en scène.


Observons et définissons

Extrait 1 : Porco Rosso (1992) d'Hayao Miyazaki.

Montrer l'extrait aux élèves, puis leur demander de dire ce qui s'y « passe ».

Les élèves sont généralement habitués à regarder des images animées depuis leur petite enfance. Ils ont acquis une compréhension intuitive de la narration cinématographique. Dans un premier temps, ils répondront sans doute ce qu'ils ont d'emblée compris à la vision de l'extrait, sans s'interroger quant à la forme cinématographique : on voit une femme qui regarde un avion dans le ciel.

Poser les questions suivantes, puis remontrer l’extrait :

Combien y a-t-il d’« images » dans cet extrait ? (Pour simplifier, employons ce mot dans un premier temps.)
Que voit-on dans chacune de ces images, et comment passe-t-on de l'une à l'autre ?

Réponse : il y a deux images :
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 image 1 : une femme regarde vers le haut.
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 image 2 : il y a un avion rouge dans le ciel.
L'image 2 succède dans le temps à l'image 1 : elle semble « collée » à cette dernière.

Montrer de nouveau l'extrait, puis poser la question suivante : Comment savez-vous que la femme regarde l'avion ?

Les élèves expliqueront sans doute cette façon de comprendre la scène par le fait que la femme lève les yeux vers le ciel, qu'elle suit quelque chose du regard (son visage pivote) et que, dans l'image suivante, la seule chose visible dans le ciel est l'avion. Il faut leur faire toucher du doigt la notion de « raccord regard », qui établit un lien logique entre ces deux images successives. C’est parce que nous voyons tout d'abord la femme qui lève les yeux vers le ciel et ensuite l’avion en train de voler que nous concluons que cette femme regarde cet avion. Le regard que la femme porte sur l'avion ne se trouve ni dans l'image 1, ni dans l'image 2, mais est exprimé par le passage de l'une à l'autre.

Il est alors temps d'employer le mot « plan », plutôt qu'« image ». Chacune des deux images qu'on a repérées dans l'extrait sont en fait des plans. Tout plan a un début, une fin et une durée : on peut projeter une dernière fois l’extrait et demander aux élèves de chronométrer la durée de chacun des deux plans. Chaque passage d'un plan à un autre implique un raccord (quand bien même ce passage semble ne relever que de la simple juxtaposition).

Extrait 2 : Porco Rosso (1992) d'Hayao Miyazaki.

Demander aux élèves de compter les plans qui composent cet extrait, de décrire brièvement ce qui est visible dans chaque plan et de résumer l’action en quelques mots.

Une fois ce travail accompli, amener les élèves à se poser la question de la raison de ces changements de plans. Pourquoi y en a-t-il plusieurs ?

Plutôt que d'envisager d'emblée l’intérêt dynamique de cette succession de plans, les élèves aborderont sans doute cette scène en termes de réalisme et de clarté des actions. Par exemple, on montre l’intérieur de l’avion au moment où Porco met les gaz pour faire comprendre au spectateur que l’avion accélère de façon spectaculaire.

Attirer l'attention des élèves sur la continuité visuelle dans l’enchaînement des plans. L’avion quitte le quai, tourne vers la droite pour emprunter le tunnel et sortir de l’île puis s’envole : on assiste à l’intégralité de la manœuvre de décollage.

Extrait 3 : Décollage d’Ariane 5, 29 août 2013.

On retrouve des caractéristiques du précédent extrait de Porco Rosso dans ce troisième extrait qui montre un décollage de la fusée Ariane.

Demander aux élèves d’essayer de compter les plans qui composent cet extrait. La vidéo dure un peu plus d’une minute, demander aux élèves de dire où est la fusée à la fin de la vidéo.

Comparer ensuite cette vidéo avec l'extrait suivant du Voyage dans la Lune.

Extrait 4 : Le Voyage dans la Lune (1902) de Georges Méliès.

Montrer que le raccord, par l’entremise de l’ellipse, abolit la distance et surtout la durée, TRANSFORME le temps « chronologique » en temps « cinématographique ».

Puisque nous comparons deux extraits montrant des fusées qui décollent, posons les questions suivantes :

Ariane 5 Le Voyage dans la Lune

Quelle est la durée du décollage ? une minute trois secondes

À l'image, où arrive la fusée ? nulle part sur la Lune

Dans la vidéo du CNES, nous ne pouvons voir le point d’arrivée de la fusée puisque la caméra est restée sur la terre : la caméra filme ce qu'elle peut capter du "réel". Chez Méliès, la caméra peut se déplacer à l’envie, et la fusée être montrée arrivant sur la Lune.

Chronométrer avec les élèves la durée entre le décollage de la fusée de Méliès et le moment où elle atteint l'œil de la Lune : vingt secondes. Comparer cette durée avec le temps mis par la fusée Ariane pour atteindre 12 km d’altitude : environ une minute, dit le commentateur. Si l'on met en rapport  cette information avec la distance entre la terre et la Lune (plus de 380 000 kilomètres), on amène les élèves à se rendre compte que la mise en scène de Méliès n’est pas du tout "réaliste". Et si l'on se demande comment il a pu réaliser ce prodige à l'écran, on en vient au rôle des coupures et des raccords entre les plans.

Au passage, on peut évoquer la nature différente des deux extraits : l’un relève du reportage et du document filmé, d'une captation du « réel », tandis que l’autre est une fiction délibérément fantaisiste.

Avec des élèves plus âgés, on peut déjà évoquer à ce point la notion d’ellipse, laquelle permet en l'occurrence de ne pas montrer une partie non négligeable du voyage de la fusée. Une partie du trajet de la fusée est escamotée pour des raisons de rythme narratif, entre autres choses. Le temps chronologique devient, grâce à l’ellipse, un temps compressé, cinématographique.

 
Un cas particulier : le plan-séquence

Extrait 5 : Elephant (2003) de Gus van Sant.

Pour finir la séance, on peut proposer aux élèves des photogrammes extraits d’un plan-séquence du film Elephant : cf. la visionneuse d'images en bas de la présente page.

Demander aux élèves de décrire brièvement ce qu’ils voient dans ces photogrammes, et comprennent grâce à ces derniers de la scène dont ils sont extraits : un garçon marche à travers des couloirs, il croise des jeunes filles puis rejoint de sa copine qu’il embrasse. Les deux jeunes gens repartent ensemble, ils s’appellent Nathan et Carrie.

Montrer ensuite l’extrait suivant, correspondant à ces photogrammes :

Demander aux élèves de compter les plans : les plus attentifs remarqueront que l’extrait ne comporte qu’un seul plan, qui « contient » tous les plans différents que les photogrammes semblaient représenter. Il s'agit d'un plan-séquence.

Comment réalise-t-on un plan-séquence ? En suivant un personnage, par exemple : ici, la caméra portée accompagne le déplacement de Nathan. Soit elle le suit (dans l’escalier, dans les couloirs, derrière sa copine et lui), soit elle le précède (quand Nathan croise les filles, quand il rejoint sa petite amie).

SUITE


Auteur : David Ridet, coordinateur cinéma de l'académie d'Orléans-Tours. Ciclic, 2018.