Séance 4 - Monter l'histoire

Cette séance doit permettre de montrer à quel point le montage d'archives peut influer sur la manière de raconter ce qui est advenu.

« La signification historique du cinéma réside moins dans sa capacité à saisir la réalité qu'à organiser celle-ci. » (Laurent Véray, « Les images de la Grande Guerre. Des archives retrouvées pour des hommes oubliés », Matériaux pour l'histoire de notre temps n°89-90, janvier-juin 2008, p. 6.)

Dès qu'elle a commencé à se poser, la question du montage des images d'archives s'est avérée cruciale. Comment proposer une vision proche de ce qui est advenu ? Comment trouver les moyens de raconter la complexité du monde avec des images d'archives ?

Voilà ce qu'en dit Arlette Farge, une historienne qui a beaucoup réfléchi au statut des archives :

« Le document enregistré, pas davantage que l'archive, n'a d'intérêt historique en lui-même. Tout dépend de la manière dont le cinéaste ou l'historien interviennent à partir de lui ou d'elle. La mise en scène est indispensable, c'est elle qui fait sentir une réalité. C'est une intention ou une morale au bon sens du terme qui fait sentir l'historicité. » (« Le cinéma est la langue maternelle du XXe siècle », Cahiers du cinéma hors série « Le siècle du cinéma », novembre 2000, p. 41.)

1re activité : La fausse légende (15 min)

Matériel nécessaire :

  • une image fixe
  • un projecteur.

Déroulement :

Projeter l'image fixe accompagnée de différentes légendes préparées au préalable, en demandant aux enfants de commenter ce qu'ils voient. Il s'agit de les amener à analyser l'effet que le texte qui accompagne une image peut produire sur celle-ci.

 

Légende 1 : Sous la menace de deux hommes, un soldat se fait voler ses chaussures en pleine rue.
 

 

Légende 2 : Grâce à la présence française en Algérie, les enfants ont du travail.
 

 

Légende 3 : France, 1948, scène de la vie quotidienne.
 

 

Légende 4 : Algérie, 1948, un pays colonisé. 
 

 

Légende 5 : Le fils d'Hector Gablin se fait cirer les chaussures à Alger en 1948.

Dans cet exemple, l'image est extraite d'un film de vacances qui date de 1948, tourné par Hector Gablin en 16 mm (les époux Gablin étaient allés voir leur fils en Algérie, où il effectuait son service militaire).

2activité : Monter = construire des histoires (20 min)

Matériel nécessaire :

  • un extrait de film qui se déroule dans un lieu donné
  • différents petits montages muets préparés au préalable à partir de cet extrait, qui n'en utilisent pas forcément toutes les images et qui, les uns par rapport aux autres, montrent ce lieu sous un jour très différent. Par exemple, le même lieu aura l'air d'être : désert, peuplé uniquement de grands bâtiments dans un premier montage ; habité par les Algériens dans un second ; le lieu de vacances d'un soldat français dans un troisième.

Montrer aux élèves les différents montages réalisés à partir de cette même bobine de film. Leur demander de décrire les impressions qui émanent de chacun de ces petits films, et de réfléchir à la façon dont ces impressions ont été produites.

Animer une discussion autour des questions suivantes : peut-on dire que ces montages sont mensongers ? Pourquoi ? Par extension, on propose de réfléchir à l'utilisation qui peut être faite de tels procédés. Ne montrer qu'une facette d'une réalité et en occulter d'autres peut relever de la propagande. Dans quels buts procède-t-on ainsi ? À partir de quel moment peut-on considérer qu'on fait mentir les images?

3e activité : Faire un plan de montage (25 min)

Avant l’arrivée du numérique, le montage se faisait manuellement : à l'aide d'une colleuse, on découpait les morceaux de pellicule qu'on souhaitait utiliser et on les collait bout à bout, en fonction d'un plan de montage préalablement établi. L'arrivée du numérique a bouleversé le rapport au montage. Les possibilités de tenter différentes solution de montage sont devenues infinies, autant que le risque de s'y perdre. Du coup, réfléchir préalablement à l'agencement des images reste d'autant plus indispensable.

Matériel nécessaire :

  • un extrait de film amateur
  • une vingtaine d'images extraites de films d'archives, imprimées en petit format pour en faire des cartes à distribuer à chaque élève. Essayer d'avoir des images de natures différentes (en termes de lieux, de personnages, de paysages, etc.) et en retenir plusieurs appartenant à une même séquence.

Par groupes de deux ou trois, les enfants choisissent un ordre pour disposer les cartes qui correspondent à ce qu'ils veulent raconter. Ils doivent se sentir totalement libres de décider de cette disposition, sans contrainte narrative. Après avoir collé les cartes dans l'ordre choisi, ils écrivent à côté ce que ce montage évoque à leurs yeux.

Les différentes propositions sont affichées et les élèves circulent pour les découvrir. À partir des mêmes images, elles sont autant de montages possibles et autant de manières de raconter des histoires.

 

Autrice : Amandine Poirson, réalisatrice. Supervision : Jean-François Buiré. Ciclic, 2015.