Nous - Ouvertures

Amateur ou professionnel ?

Tout au long du film Nous, Olivier Hems reste fidèle au dispositif qu'il a imaginé : les images que nous voyons sont présentées comme étant des films amateur tournés plusieurs années auparavant par le personnage de Jean Galto, aujourd'hui décédé. Ce dispositif fait émerger un questionnement sur les signes qui désignent la nature des images.
Qu'est-ce qui distingue un film amateur d'un film professionnel ?

Pour analyser ce qui fait amateur, on questionnera la place du filmeur, les moments choisis, les personnes représentées. L'étude des cadrages montre que le cinéaste filme à portée de main, souvent de trop près ou de trop loin, mais également souvent à contretemps, quand l'action est déjà commencée. Analyser le montage pousse à s'interroger sur les images que l'on conserve ou que l'on jette habituellement au cinéma (sautes dans l'image, moments manquants, coupés). Il est intéressant aussi de réfléchir aux types de scènes généralement filmées par les non-professionnels. Le plus souvent, ce sont des moments marquants qui incitent à utiliser sa caméra : les anniversaires, les mariages, les vacances. Inlassablement condamné à représenter le bonheur, le film de famille représente une sorte de falsification de la réalité. L'amateur filme des proches, des non-acteurs qui ne savent pas jouer.

Observer minutieusement ce qui fait « non-professionnel » ici, permet de réfléchir aux habitudes du cinéma classique qui cherche à faire disparaître tout ce qui dénonce le film comme objet fabriqué : les regards et les adresses à la caméra, la pellicule non impressionnée, tout cela n'est pas visible habituellement dans les films. Mais au-delà, il ne faut pas oublier le caractère falsifié de ces images. Il s'agit d'un faux film amateur, et Olivier Hems se sert de toutes les caractéristiques du genre. Les amorces de pellicule, les mouvements trop rapides, les flous : tout ce que le professionnel habituellement élimine de son film figure ici. Mais Olivier Hems s'en sert avec discernement, et dans un but précis. Par exemple les plans trop courts n'apparaissent jamais de façon impromptue, mais toujours pour constituer une ponctuation. Avec les matériaux, les contraintes, les clichés du film amateur, le cinéaste réalise un film absolument maîtrisé qui permettra de réfléchir aux méthodes et aux effets du détournement des images, du pastiche au faux documentaire.


Donner du son

Dans le prolongement de la disjonction, dans Nous, entre la voix et l'image, on peut élaborer un travail d'écriture à partir d'images trouvées. Pour étendre la réflexion, on pourra visionner d'autres exemples comme le court métrage L’Ambassade (Chris Marker, 1973).

Le travail proposé sera ainsi inverse de celui d'Olivier Hems qui a découvert une histoire, et fabriqué des images pour l'illustrer. Il s'agira au contraire de partir du film amateur ci-dessous (conservé aux archives du pôle patrimoine de Ciclic), et de demander aux élèves, individuellement ou en groupe, d'écrire un texte correspondant.

La confrontation de tous les textes permettra de réfléchir à la façon dont les images se trouvent modifiées par le son. Il faudra bien définir le statut du narrateur. Olivier Hems livre d'emblée au spectateur la provenance de la bande-son, mais attend la fin du film pour révéler celle des images, ainsi que le lien qui les unit à la voix. Il faudra envisager en amont de l'écriture le statut du narrateur (comment les images lui sont-elles parvenues ? Y apparaît-il lui-même ? En quoi est-il lié aux personnages qu'il évoque ?, etc.).

Selon les moyens dont on dispose, on peut envisager de simplement lire le texte en direct, pendant le passage des images muettes, ou bien d’élaborer et de mixer une véritable bande sonore en intégrant musique et bruits annexes. Enfin, pour observer un exemple de disjonction voix/image d'une tout autre nature, on pourra voir les films de Jean Rouch Moi, un Noir (1958) et Jaguar (1967). (Raphaëlle Pireyre, 2009)