3. Le passé soviétique comme piège spatio-temporel

Dans certains films post-soviétiques, le passé est représenté comme un piège spatio-temporel dont le héros cherche en vain à s’échapper. Cette thématique apparaît dès les années 1990 dans des films comme La Faucille et le marteau (Serp i molot, 1994) de Sergueï Livnev, dont le protagoniste finit paralysé, exposé dans son appartement devenu musée, pièce de collection lui-même, conscient mais incapable de bouger ou de parler.

La Faucille et le marteau de Sergueï Livnev.

La Faucille et le marteau de Sergueï Livnev.

Cette vision du passé comme piège spatio-temporel est délaissée à la fin des années 1990, pour revenir en force vers la fin des années 2000. En 2006, dans une comédie rocambolesque intitulée Parc de la période soviétique (Park sovetskogo perioda, en référence au célèbre Jurassic Park) de Youli Gousman, les personnages visitent un parc d’attractions où les visiteurs sont plongés dans une reconstitution du passé soviétique, représenté sous son meilleur jour. Mais ils s’y retrouvent pris au piège, et devront s’en échapper à tout prix.

Parc de la période soviétique de Youli Gousman.

Parc de la période soviétique de Youli Gousman.

En 2008, dans Jour sans fin à Youriev (Iouriev den’) de Kirill Serebrennikov, l’héroïne, une cantatrice en partance pour l’étranger, passe dans sa ville natale, perdue au fin fond de la Russie, pour la faire visiter à son fils. Elle ne pourra plus en repartir, comme aspirée par cette ville, coincée dans le passé.

Extrait de Jour sans fin à Youriev de Kirill Serebrennikov.

Comme le dit l’héroïne du film, ce pèlerinage qui changera sa destinée, n’est pas un détour de deux cents kilomètres, mais un retour « vingt ans en arrière ». La mise en scène, quant à elle, annonce la capacité de cet espace-temps à égarer, enfermer, effacer les humains qui s’y laissent prendre.

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Auteur : Eugénie Zvonkine, maîtresse de conférence en études cinématographiques et  audiovisuelles et essayiste. Ciclic, 2018.