5. Le passé comme trace

Dans le cinéma russe contemporain, le passé soviétique se manifeste également sous forme de traces muettes mais insistantes, à travers des choix de décors singuliers. Les cinéastes russes d’aujourd’hui, surtout ceux du cinéma d’auteur, font preuve d’une prédilection pour les ruines et les lieux à l’abandon, dont l’aspect rappelle les gloires passées et les prétentions au gigantisme du régime soviétique. Dans Le Meilleur moment de l’année (Loutchee vremia goda, 2007) de Svetlana Proskourina, on traverse ainsi de nombreux décors, dont une immense piscine désertée.

Le Meilleur moment de l’année de Svetlana Proskourina.

Deux images extraites du Meilleur moment de l’année de Svetlana Proskourina.

Le Meilleur moment de l’année de Svetlana Proskourina.

Le cinéma d’Andreï Zviaguintsev, un des rares cinéastes russes d’aujourd’hui connus en France, regorge lui aussi de décors renvoyant à un passé soviétique qui hante toujours le pays, et les personnages de ses films. Dans Le Retour (Vozvrachtchenie, 2003), son premier long métrage, les deux enfants vont explorer un cimetière de bateaux ; dans Faute d’amour (Nelioubov’, 2017), son dernier film en date, la recherche de l’enfant disparu mène les bénévoles dans un bâtiment à l’abandon dont on ne saura jamais la fonction initiale, qui servait de quartier général au petit garçon et à son meilleur ami. Les adultes errent longuement dans cette bâtisse abandonnée, explorant chaque recoin de ce lieu fantomatique.

Deux films d’Andreï Zviaguintsev : Le Retour...

Deux films d’Andreï Zviaguintsev : Le Retour...

... et Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev.

 ... et Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev.

Dans ce cinéma du lien rompu entre les générations, entre les pères et les fils ayant perdu la faculté de se comprendre, les décors prennent toute leur importance, preuves à la fois d’un lien essentiel avec le passé et de l’incapacité des héros à le sauvegarder. La maison du grand-père léguée au protagoniste de Léviathan (Leviafan, 2014) finira détruite, malgré sa valeur sentimentale aux yeux de celui-ci.

Léviathan d’Andreï Zviaguintsev - Photogramme 1

Léviathan d’Andreï Zviaguintsev - Photogramme 2

Léviathan d’Andreï Zviaguintsev - Photogramme 3
Léviathan d’Andreï Zviaguintsev.

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Auteur : Eugénie Zvonkine, maîtresse de conférence en études cinématographiques et  audiovisuelles et essayiste. Ciclic, 2018.