Durant le dernier quart du XXe siècle est apparue l'expression « devoir de mémoire », dans laquelle ce dernier mot prend une signification particulière : celle de la conservation mémorielle de l'histoire des génocides.
En 1945, Alfred Hitchcock a été amené à superviser à Londres certains aspects du montage d'un film d'archives sur la libération des camps de concentration et d'extermination nazis, archives constituées par les opérateurs de prises de vues des diverses armées alliées (Hitchcock aurait également fait transmettre, au préalable, des recommandations de filmage aux opérateurs anglais). Le film en question était censé constituer, en premier lieu aux yeux des Allemands eux-mêmes, un argument massue quant à la responsabilité du peuple allemand tout entier dans les crimes de masse nazis.
Pour des raisons tenant entre autres à la reconstruction de l'Allemagne et à l'évolution de la tournure politique mondiale (la guerre froide opposant désormais le bloc soviétique au « monde occidental », il ne s'agissait plus d'accabler la population allemande), ce montage particulièrement éprouvant — même au regard d'entreprises contemporaines du même type — a été mis sous le boisseau pendant des décennies pour faire finalement l'objet d'une première projection publique à la Berlinale de 2014 sous le titre German Concentration Camps Factual Survey.
S'il ne faut sans doute pas exagérer la part de Hitchcock dans le montage final, il semble que le cinéaste ait été très impressionné par les images qu'il a dû visionner à cette occasion. Hitchcock n'a jamais abordé frontalement la question des camps dans ses films de fiction ultérieurs, mais il est permis de supposer que le mélange inouï de brutalité, de terreur, de déréliction et d'ambiance sépulcrale qui caractérisera en 1960 un film tel que Psychose n'est pas sans rapport avec le souvenir de ces visions horrifiantes.
. Image du film German Concentration Camps Factual Survey, produit initialement (1945) par le British Ministry of Information et le U.S. Office of War Information, édité en vidéo par BFI
. Image du film Psychose (Psycho, 1960), produit par Shamley Productions, édité en vidéo par Universal.
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Auteur : Jean-François Buiré. Ciclic, 2015.
