8. Surimpressions / Les voix du passé

Chronologiquement, un des premiers procédés formels par lesquels Hitchcock fait revenir le passé dans le présent est la surimpression : une image « du passé » vient se superposer à une image « du présent ». Ce procédé, typique du cinéma muet, Hitchcock le reconduira dans certains de ses films parlants, jusque dans Sueurs froides.

À partir du cinéma parlant, Hitchcock eut également recours à l'équivalent vocal de la surimpression visuelle, qu'il s'agisse de voix intérieures rétrospectives (examinant ou rappelant le passé) ou du souvenir de paroles prononcées antérieurement par des personnages.

À noter que dans Sueurs froides, la voix off rétrospective du personnage de Judy vient juste après un premier souvenir de ce personnage, pour sa part visualisé et sans parole (cf. l'extrait cité dans le troisième montage vidéo de 13. Coups de mémoire) : exemple de la scission entre la parole et l'image qu'on trouve fréquemment chez Hitchcock.

Dans Chantage, le premier film parlant d'Alfred Hitchcock (ainsi que le premier film parlant réalisé en Grande-Bretagne), le cinéaste exprime l'inquiétude de la jeune protagoniste, qui a poignardé un homme qui tentait de la violer, en répétant et en isolant sur la bande sonore le mot « knife », résumé sonore d'un souvenir culpabilisant.

Dans La Loi du silence, c'est une voix off énoncée au présent qui se superpose aux images du passé, pour en remplacer les paroles.

Enfin, dans Psychose et dans Pas de printemps pour Marnie, les voix du passé investissent les corps du présent d'une façon qui met en cause l'intégrité de ces derniers. La voix de la mère morte de Norman Bates se substitue à celle de ce dernier (signe d'une aliénation sans doute définitive), et Marnie adulte parle avec la voix de Marnie enfant, comme si elle était habitée par celle-ci, lorsqu'enfin elle accède au souvenir (condition d'une guérison hypothétique).

NOTA : les références des extraits de films cités sont mentionnées à la fin des montages vidéo qui en sont composés.

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Auteur : Jean-François Buiré. Ciclic, 2015.