Séance 2 - Animation

2.1 De l'art du dessin à celui des marionnettes

Folioscope, G. Massias, Giclee Print, 1896Le jeu vidéo et le cinéma ont également en commun de pouvoir donner vie à des objets au moyen de l'animation. Les premiers dessins animés n'utilisent que des feuilles de papier accrochées entre elles. Elles sont animées à la main par le lecteur. Le folioscope apparaît en 1868 et se répand partout dans le monde. Les animateurs traditionnels utilisent toujours cette technique du "flippe" pour vérifier que l'enchaînement des dessins produit bien le mouvement voulu.

En 1896, le kinétoscope permet de mécaniser le "flippe". C'est un opérateur, un technicien, qui tourne la bobine d’Edison, qui a pris en photo chaque dessin de James Stuart Blackton. On peut voir un homme qui tire une bouffée de son cigare et souffle des ronds de fumée vers sa petite amie qui roule des yeux, ou encore un chien qui saute à travers un cerceau ou un homme qui jongle. Blackton a utilisé environ trois mille dessins pour réaliser ce premier film d'animation. C'est le tout premier mariage du dessin et du cinéma. Provoquant de nombreux éclats de rire, la nouveauté remporte un succès immédiat.

 

Qu'il utilise un ordinateur ou seulement ses mains, un animateur doit connaître quelques principes du mouvement animé : clé et intervalle. Les clés sont les positions d’arrivée et départ d’un objet ou d’un personnage en mouvement. L’intervalle, ce sont toutes les positions qui se trouvent entre les clés. En fonction de la vitesse d’exécution du mouvement, du poids et de la rigidité de l’objet, les intervalles entre les clés seront plus ou moins nombreux.



Dessin du mouvement d'un pendule, avec ses clés et intervallesSi l'animation traditionnelle est une extension de ce principe d’image par image, l'animation dans les jeux vidéo peut être considérée comme une extension de l'art des marionnettes, en version high-tech.

La représentation d’humanoïdes en 3D commence dans les années 1960 avec, entre autres, le Computer-Generated Ballet, en 1965, créé par A. Michael Noll. Cet ingénieur américain développe au Bell Labs une représentation schématique d’un ballet de danse. Pour cela il reporte à la main la position de tous les points clés du corps des danseurs pour les retranscrire à l’écran pour chaque mouvement. Par la suite, Edwin Catmull (informaticien américain, fondateur du studio Pixar) parvient à animer une main et démontre ainsi qu’un ordinateur peut produire des animations complexes.


Captures de A computer animated hand, Frederic Parke, Edwin Catmull, 1972L’arrivée du squelette numérique permet de fluidifier grandement le processus d’animation en 3D. Les personnages en 3D sont équipés d’un squelette qui permet de les mouvoir plus facilement. Cette technique s’appelle le rigging, et consiste à appliquer des os virtuels à l’intérieur du modèle 3D. Ces os permettent de guider le mouvement des membres pendant l’animation et ne sont pas visibles par la suite. 


L’animateur va donc gagner du temps et aura moins de mouvements à modéliser. Il se concentre davantage sur la vitesse d’exécution du moment, afin d’arriver au mouvement le plus fluide possible. Ce procédé du rigging demande une grande connaissance du corps car il faut déterminer comment les os interagissent entre eux et comment les muscles et la peau sont alors déformés.
  

2.2 De la 2D à la motion capture sans passer par la vallée de l'étrange

The Horse in motion, Edward Muybridge, 1978La technique de l'animateur se peaufine à l'arrivée du cinéma. En effet, le procédé cinématographique permet de décomposer les mouvements du corps humain, de l'oiseau ou du cheval. C'est la chronophotographie, inventée par Edward Muybridge, elle permet de capturer beaucoup plus d'images par seconde que la photographie de l’époque.



Rotoscopie d'un cheval en mouvement, à partir de la chronophotographie de Muybridge, auteur inconnuOn comprend ainsi grâce à Muybridge que dans la course du cheval, le galop, il y a un instant où aucun de ses membres ne touche le sol. C'est ce qu'on appelle en animation une clé. Une autre clé serait l'instant où tous les membres du cheval touchent le sol. L'intervalle, c'est toutes les images entre ces clés et le rythme avec lequel elles apparaissent pour donner l'illusion réaliste du mouvement.



La rotoscopie est une autre technique pour créer l'illusion du réel à partir de captures d'images réelles. C'est un autre ancêtre de la motion capture utilisée depuis les années 1980 en animation numérique. Aujourd'hui, cette technique est utilisée même en dehors des studios car les caméras numériques traquent les points clés du mouvement, sur les jambes, les bras, les cheveux, la bouche ou les yeux. Mais le réalisme n'est pas toujours recherché par  l'animateur dont le travail permet aussi de donner vie à un monde imaginaire. 

MATHUR, REICHLING, COGNITION, Janv. 2016. CC BY-NC-ND 4.0Dans le jeu vidéo, l'animateur doit prévoir toutes les actions possibles du personnage dans le jeu. Si c'est en 3D, il commence par le squelette, puis par les muscles, la peau, les cheveux et les vêtements. Il dit à l'ordinateur que si la jambe se plie, c'est seulement dans un sens, que si la bouche sourit, les yeux doivent suivre le mouvement. Ce procédé s’appelle la cinématique inversée. S'il ne respecte pas ses règles, son personnage finira dans la «  vallée de l’étrange  »  : il ne sera pas assez réaliste pour permettre l’identification mais suffisamment pour créer un sentiment de malaise.

Piste pédagogique #informatique  :

Objectif : Comprendre les enjeux de l’animation d’un personnage

Matériel : Ordinateurs connectés à internet, logiciel en ligne Flipanim (https://flipanim.com/)

Description : Produire une courte animation en 4 ou 5 images et la regarder ensemble


Piste pédagogique #sansécran  : une marionnette dérangeante

Objectif : Comprendre le concept de vallée dérangeante / vallée de l’étrange en fabriquant une créature hybride, donnant un sentiment d'inachevé.

Matériel : têtes ou boules en polystyrène, magazines, ciseaux, colles, bâtons, pulls ou manteaux à capuche, peinture acrylique couleur chair, pinceaux

Description : Sculptez un visage dans une boule de polystyrène ou prenez en un pré-existant, peignez le d’une couleur chair, collez lui des yeux humains découpés dans un magazine, plantez un bâton au niveau du cou et habillez le d’un pull ou d’un manteau à capuche. Vous pourrez alors observez qu'avec seulement un ou deux éléments réalistes (les yeux des magazines et le vêtement) sur un corps qui ne l'est pas (votre sculpture en polystyrène), on obtient un effet dérangeant d'étrangeté, qui correspond à celui produit par les personnages qui finissent dans la vallée de l'étrange.

Cet exercice sera l'occasion d'interroger les effets de mimétisme (leur pouvoir et leur limite) et de mesurer la manière dont le jeu vidéo peut ouvrir sur des espaces parallèles troublants, presque fantomatiques, favorables au développement d'un monde déréglé, possiblement monstrueux.

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Pour que ces créations puissent faire l'objet d'un film, il faudrait les assembler entre elles ? Cela permettra d'introduire la notion de montage et la séance suivante. Comment se crée un film ? 

Voir la séance suivante


Autrice : Maud L’Helgoualc’h. Supervision : Amélie Dubois. Ciclic 2020