2. Se préparer à la VOST

Ce texte a pour objectif d'aider à préparer une séance de cinéma en VOST avec un public jeune (allant du cycle 3 au BTS en ce qui concerne le public scolaire) : on y trouvera des éléments qui permettent de faciliter l’accès au film et d’anticiper certaines réactions. Il ne s’agit pas d’apporter un contre-argument à chaque critique de la VOST, mais de comprendre les réticences pour tenter de les atténuer.


La VOST : une question d’entraînement ?  

La VOST est d’autant plus gênante pour certains spectateurs que ce mode de traduction est comparé à celui, plus connu, de la VF, laquelle ne demande pas d’effort de lecture. Même les amateurs de la VOST n'apprécient pas spécialement le fait d'avoir à lire en même temps qu'ils voient un film : ce qu’ils aiment, c'est entendre le film dans sa langue originale.

On peut prévenir les jeunes spectateurs que voir un film en VOST demande quelques efforts au départ. Avec un peu d’entraînement, beaucoup disent que le sous-titre devient « invisible », qu’on finit par ne plus y prêter attention.

Pour le traducteur lui-même, la discrétion est de mise : il cherche à faire en sorte que le spectateur oublie qu’il est en train de lire des sous-titres, qu'ils deviennent à ses yeux une convention cinématographique parmi d’autres. Pour le traducteur et historien du cinéma Bernard Eisenschitz (cité par Serge Chauvin dans l'entrée « Sous-titrage » du Dictionnaire de la pensée du cinéma), le sous-titre est une « parole écrite, mais la perception qu’en a le spectateur n’est pas une perception de lecture (…), c’est la perception simultanée d’un mot qui lui correspond, celle d’une parole, non d’un écrit. »

Toutefois, gardons-nous d'assurer que la VOST peut devenir évidente pour tout un chacun. Même en l'ayant pratiquée à de nombreuses reprises, certains ne l'accepteront jamais vraiment, et cela n’a rien de dramatique. Il s’agit de proposer un mode de traduction, non de culpabiliser ceux qui ne l’apprécient pas. Accepter la VOST est donc une question de choix, d’entraînement, de goût, d’habitude et de compétences.
 

Match point

Match Point (2005) de Woody Allen


Partir des pratiques de chacun

Aujourd’hui, les élèves qui participent à « Lycéens et apprentis au cinéma » sont partagés quant à la pratique de la VOST. Certains la rejettent en bloc, souvent à cause de difficultés de lecture et parfois par manque d’habitude ; d’autres, au contraire, l'apprécient. Une partie d’entre eux ont même une double pratique : ils préfèrent la VOST dans tel contexte ou pour tel type de production audiovisuelle, la VF dans tel ou pour tel autre.

D'ailleurs, il semble que les pratiques aient un peu changé ces dernières années : d’avantage d’adolescents sont familiers de la VOST. Cela vient notamment de la consommation de séries étrangères en « avant-première » (téléchargées illégalement) et traduites par des fans-subbers. Cette pratique a élargi les rangs des jeunes spectateurs « consommateurs » de VOST, en banalisant le sous-titrage aux yeux d’une partie d’entre eux.

 


Exemple de fansubbing : une image de dessin animé japonais sous-titrée en anglais.


Le terme fansubbing est une contraction de fan et de subtitling (sous-titrage). Cela consiste à sous-titrer une production audiovisuelle en dehors des circuits de la traduction professionnelle. À l’origine, cette pratique concernait les fans de dessins animés japonais qui traduisaient des épisodes non distribués hors du Japon, à destination d’autres fans. La pratique s’est élargie et avec le développement d’internet, elle permet par exemple aux spectateurs de séries d’obtenir une version sous-titrée (et illégale) de séries avant la diffusion de leur version française. Cette pratique implique des changements pour les professionnels de la traduction (baisse des tarifs, des délais, de la qualité, dévalorisation de la profession), voire une certaine concurrence (lire à ce sujet l’article de Télérama sur les expérimentations récentes d’Arte).

Par ailleurs, depuis la fin des années 2010, le sous-titrage est utilisé dans de nouveaux contextes, ce qui le rend, peut-être, plus familier pour les adolescents. Prenons le cas des courtes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux qui comprennent parfois des sous-titres. Ceux-ci sont ajoutés car ces contenus peuvent être regardés sans être écoutés (on se passe du son par exemple lorsque l’on ne souhaite pas activer le haut-parleur ou bien lorsque le casque audio diffuse une autre source sonore). Ici, le sous-titre n’a pas pour fonction de traduire un propos, mais uniquement de rendre visible (et lisible) ce propos. Notons aussi que ces sous-titres proposant une transcription dans la langue originale peuvent être générés automatiquement. Un autre contexte dans lequel le sous-titrage a fait son apparition : les écrans vidéo publicitaires, qui remplacent dans certains endroits les panneaux d’affichages habituels. Les vidéos diffusées sur ces panneaux étant muettes, le sous-titre y est utilisé pour donner à lire ce qui est dit. Ce qui n’est pas sans rappeler les premiers temps du cinéma, muet, et ses intertitres qui indiquaient les dialogues. Ces nouveaux usages réduiront peut-être la difficulté que présente pour les plus jeunes la lecture du sous-titre au cinéma.


S'interroger

Avant ou après la projection, on peut évoquer les pratiques de chacun en organisant une discussion. Un questionnaire écrit ou oral peut être proposé, reprenant certaines des questions suivantes :

  • Préférez-vous la VOST ou la VF ?
  • Avez-vous déjà vu des films en VOST ? Dans quel contexte, pour quelles raisons ?
  • Sur petit écran, préférez-vous la VOST ou la VF ? Et au cinéma ?
  • Le fait d’être seul ou avec des amis votre avis quant à ces deux modes de traduction ?
  • À votre avis, pourquoi ces deux modes de traduction existent-ils ?
  • Pourquoi choisit-on la VOST dans le cadre de dispositifs d'éducation au cinéma ?

Les réponses permettront de mieux connaître les pratiques des élèves et de faire en sorte que chacun s'interroge. La parole de ceux qui ont adopté la VOST pourra mettre en avant les avantages de celle-ci, et les façons de s’y habituer, car les jeunes gens apprécient parfois d’avoir leurs pairs comme prescripteurs.


Le jeu de la comparaison

Il ne s’agit pas de compter les points ni de mettre en place une opposition binaire. On cherchera plutôt à évoquer les avantages et les inconvénients respectifs de la VOST et de la VF afin d'affiner un argumentaire, de réfléchir à ses propres habitudes et goûts, d'entendre ceux des autres, etc. Réticences et appétences peuvent être d’ordre psychologique, esthétique, pratique… Elles varient également suivant les habitudes familiales et les milieux sociaux. Tenter de les lister peut permettre de mieux les définir et les comprendre et, ainsi, de prendre un certain recul par rapport à ses ressentis et à ses pratiques. Dans le même temps, on peut amorcer une réflexion concernant des points techniques. Les listes proposées ci-dessous contiennent des réflexions régulièrement entendues ou lues. Elles ne visent pas l’exhaustivité et peuvent être complétées. Ce qu’on attend d’un film diffère d’un spectateur à l’autre et le contexte de visionnage doit être pris en compte (par exemple, « je regarde des comédies en VF avec mes amis et des séries en VOST lorsque je suis seul »).

 


Un sous-titre qui se superpose à un personnage : Tel père, tel fils (Soshite chichi ni naru, 2013) d'Hirokazu Kore-eda


Quels sont les inconvénients de la VOST
 ?

  • Il faut lire en même temps qu’on regarde le film. Cela demande un effort et parfois on n’a pas le temps de tout lire.
  • Pendant qu’on lit, on peut passer à côté d’une action, d’un indice visuel ou simplement de la beauté d’un plan ou d’un(e) comédien(ne) !  
  • Sur un écran de cinéma, le sous-titre peut paraître loin du centre de l’image, ce qui implique un balayage visuel assez important.
  • Les lignes de sous-titres altèrent l’image (on ne placerait pas un cartel sur un tableau).
  • Dans les passages de films visuellement obscurs, ou nocturnes, le sous-titrage apporte un élément de clarté visuelle inapproprié.
  • Le sous-titrage est parfois mal fait : les sous-titres apparaissent trop tôt, trop tard, trop ou pas assez longtemps (en termes de technique du sous-titrage, c’est un problème de repérage), ils chevauchent des plans, comportent trop de lignes, etc.
  • Quand on comprend la langue originale, la traduction semble parfois imparfaite (traduction trop littérale ou trop éloignée, trop littéraire ou trop familière, etc.)
  • Quand on lit les sous-titres, on ne peut pas faire autre chose en même temps — inconvénient pour certains spectateurs, bénédiction pour d'autres !

 


Sous-titre sur fond obscur : Tel père, tel fils (Soshite chichi ni naru, 2013) d'Hirokazu Kore-eda.


Notons deux difficultés annexes, rencontrées dans le cadre précis des dispositifs d’éducation au cinéma.

  • Film étranger : au-delà des problèmes spécifiques liés aux sous-titres, la difficulté pour certains élèves sera d’entendre une langue étrangère. Ils n’en ont parfois ni l’habitude, ni l’envie. S’ouvrir à une autre culture peut être compliqué. La peur ou le rejet de ce qui est étranger est alors un obstacle à franchir. Un film peut être un bon moyen de découvrir une autre culture, un autre univers que le sien et d’atténuer les préjugés et les peurs
  • Film scolaire : dans le cadre des « séances scolaires », on court le risque que le film soit perçu comme une composante du programme scolaire, et, à ce titre, comme peu séduisant. La vision du film est susceptible d'en pâtir, ainsi que l'expérience de la VOST. Celle-ci peut alors être assimilée à un mode de traduction lié à l’école et, à ce titre, exclue d’une future pratique personnelle. Les ateliers ou échanges liés à la VOST autour de la séance permettront dans certains cas d’éviter cet écueil.

Le cas particulier du film d’animation est également à relever. En effet, les questions qui se posent pour ce type de production cinématographique sont encore différentes. Même dans la version originale, les personnages sont doublés. Changer la voix attribuée au personnage dans la VOST peut donc sembler moins dérangeant que pour un comédien en chair et en os. Cependant, l’apport culturel offert par la langue originale n’est pas un moindre avantage et seule la VOST pourra l’offrir au spectateur.

 


Le Voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi, 2001) d'Hayao Miyazaki


Quels sont les avantages de la VOST
?  

  • Elle ne touche pas à la bande son d’origine : elle ajoute sans soustraire 
  • Elle donne accès à l'interprétation non altérée des acteurs, en permettant d’entendre leurs voix. La voix donne des renseignements sur le personnage, c’est une part essentielle du jeu de l’acteur qui contribue à rendre le personnage crédible, « incarné ».
  • Le synchronisme voco-labial de la VO est conservé. (Notons toutefois que certains films sont postsynchronisés dans leur langue d’origine : l’acteur réenregistre sa voix en auditorium, après le tournage. Dans ce cas, le synchronisme voco-labial des dialogues est tout aussi relatif en VO qu'en VF.)
  • Voir un film étranger permet de s’immerger dans une culture dont la langue est une composante importante : on voyage depuis son fauteuil, et l'on peut même progresser dans sa connaissance d’une langue.
  • À la différence de la VF, la VOST propose une traduction du dialogue, mais ne l'impose pas : on peut l'ignorer se concentrant sur la seule bande son  — si l'on connaît la langue parlée à l'origine dans le film, bien entendu.
  • Dans le cas des films où plusieurs langues sont parlées, le choix du sous-titrage plutôt que du doublage permet d’entendre les différences entre celles-ci : lire à ce propos, dans le présent parcours, l'annexe consacrée au film Fatima.

 


Un cas d'école : le sous-titrage français de Symphony in Slang (1951) de Tex Avery, dont le titre peut se traduire par Symphonie argotique. Le principe de ce cartoon consiste à à traduire littéralement en dessin animé les expressions américaines argotiques énoncées par son protagoniste. Leur traduction en sous-titres fonctionne parfois directement, comme c'est le cas ici : « I got goose pimples » devient « J'avais la chair de poule »,  et « She got on her high horse » devient « Elle est montée sur ses grands chevaux »...

 


... parfois cela fonctionne au prix d'une légère adaptation : « I couldn't cut the mustard » (littéralement : « Je n'ai pas réussi à couper la moutarde », qui peut se traduire par : « Je ne faisais pas l'affaire ») devient « La mayonnaise n'a pas pris », et « It was raining cats and dogs » (littéralement : « Il pleuvait des chats et des chiens ») devient « Quel temps de chien »...

 


... et parfois il s'avère impossible d'obtenir une traduction française qui entretienne un lien évident avec le dessin animé associé à l'expression américaine : « We chewed the rag a while » (littéralement « On a mâché le chiffon un moment », qui peut se traduire par « On a discuté ») devient « On a taillé une bavette », et « Mary had a bunch of little ones » devient « Mary avait des tas de petits numéros im-père » !


Afin de comparer les deux modes de traduction, passons maintenant aux aspects négatifs et positifs de la VF.

Quels sont les inconvénients de la VF ?  

  • On peut la considérer comme une « dénaturation » de l’œuvre — ce qui présuppose une pureté originelle de cette dernière. En ôtant un élément sonore d’origine pour le remplacer, on modifie l’œuvre pensée par un créateur.
  • On associe la voix d’un acteur et le corps d’un autre, créant ainsi une sorte de créature composite ou un personnage ventriloque.
  • Les mouvements corporels sont souvent liés à une culture : avec la VF, on assiste aux « gestes d’un pays » en entendant « la langue d’un autre ».
  • On entend la voix d'un autre acteur que celui qu'on voit à l'écran, et cela peut être dérangeant si l’on connaît la voix d’origine. Notons que le dérangement existe à l’inverse : si on a l’habitude de la voix française de Bruce Willis, entendre ce dernier en VO pourra surprendre !
  • D'un film à l'autre, la voix d'un même acteur de doublage peut servir à la postsynchronisation de différents acteurs qu'on voit à l'écran, ce qui peut provoquer un sentiment d'uniformisation vocale.
  • D'un film à l'autre, un même acteur à l'écran peut être postsynchronisé par un acteur de doublage différent, ce qui peut donner une impression de « dépersonnalisation vocale ».
  • La synchronisation labiale peut être plus ou moins bonne. Comme le remarque Michel Chion dans son livre L'Audio-vision, la tolérance à la désynchronisation est culturelle : « Ce que, par exemple, les Français, adeptes d’un synchronisme étroit et serré, tiennent pour un défaut de post-synchronisation dans le son original des films italiens, c’est, en fait, un synchronisme plus large, accueillant, qui n’en est pas au dixième de seconde près. » Ce « synchronisme plus large » prend « en considération la totalité du corps parlant, gestuelle en particulier. »
  • Le doublage peut paraître stéréotypé s’il est mal ou trop vite fait. La routine gagne parfois les doubleurs qui sont alors moins inventifs
  • La VF peut apporter une connotation « feuilleton télévisé » à un film de cinéma, car le doublage peut être associé à ces productions audiovisuelles.
  • Contrairement à ce qui se passe dans le cas de la VOST, la traduction en VF dévie du dialogue original sans qu’on puisse avoir accès à ce dernier.
  • La traduction à fin de doublage subit des pressions d'ordres divers, qui la font nécessairement s’éloigner du dialogue initial : contraintes de synchronisme, différence de longueur des mots et de rythme vocal d’une langue à l’autre, etc.

 


Un des problèmes qui se posent au doublage, vu par René Goscinny et Marcel Gotlib dans le tome 1 des Dingodossiers (1967).


Quels sont les avantages de la VF
 ?

  • Elle conserve l’intégrité de l’image.
  • Elle permet une attention continue à l’image.
  • Elle ne demande pas d’effort (par comparaison avec le sous-titrage) — si ce n’est celui de « supporter » la voix des doubleurs quand on n'est peu amateur de VF.
  • On peut envisager le film en VF comme l’équivalent, au cinéma, du livre traduit pour la littérature. Lorsqu’on lit un roman étranger traduit, il n’y a pas de sous-titres sous le texte original. On accède directement à la traduction.

Dans la dépréciation de la VF, on peut noter une certaine sacralisation de l’œuvre originale et du statut de « l’auteur » du film. Le doublage peut être mal vu parce qu'il est effectué a posteriori, en l'absence du réalisateur (sauf exceptions comme par exemple celles de Sergio Leone et de Pier Paolo Pasolini, qui dirigèrent eux-mêmes l'enregistrement de la version française de certains de leurs films). Le sous-titrage pourrait être décrié pour les mêmes raisons, car il ajoute un élément au film (mais il ne lui enlève rien). On peut critiquer la VF en se gardant toutefois d’une position dogmatique ou condescendante : n'oublions pas que la version doublée peut être décisive pour rendre accessibles certaines œuvres à toute une partie du public.


La comparaison par l’exemple

Pour comparer « dans le texte » » les deux méthodes de traduction des paroles prononcées dans un film, on peut consulter les éléments que la traductrice Isabelle Audinot a mis à la disposition de la revue Décadrage à l'occasion d'un entretien avec celle-ci. Dans le cas du film de James Gray Two Lovers (2008), elle a effectué la traduction pour le sous-titrage et pour le doublage. En annexe de l'entretien, elle propose, pour un même extrait du film les deux traductions ainsi que le dialogue original. Cela permet de comprendre les contraintes qui s’appliquent à chaque technique de traduction et les modifications que l’original subit selon la méthode retenue.


Se décomplexer et se préparer

Le moment délicat du premier contact avec la VOST est à anticiper. Face à un film sous-titré, un spectateur qui a des difficultés de lecture peut être dégoûté de ce film en particulier ou de ce mode de traduction en général. Il peut également éprouver un sentiment d’exclusion culturelle.

Avant la séance, on peut préciser qu'il n’est pas grave de « rater » une partie des sous-titres. On comprend quand même l’essentiel de l’histoire car un film ne « raconte » pas seulement avec des dialogues. Comme dans le cas célèbre du Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946) de Howard Hawks, il arrive qu’on ne comprenne pas tout de l’intrigue, du comportement des personnages, de la construction narrative. On peut alors lâcher prise, accepter de ne pas tout saisir et même prendre un certain plaisir à cet « abandon ».

 


Le Grand Sommeil (The Big Sleep, 1946) de Howard Hawks

(avec une faute d'orthographe dans le sous-titre !)


Une des hantises de certains jeunes spectateurs est de « rater une action » durant la lecture des sous-titres, comme si une péripétie cruciale risquait de survenir à chaque fois que leur regard se trouve concentré sur le bas de l’écran. Là encore, pas d’inquiétude : lorsque des personnages discutent, la plupart du temps le dialogue en lui-même constitue l'action principale. Il arrive rarement qu'une action capitale pour la compréhension du récit se déroule durant un dialogue. Pour autant, il ne s’agit pas d'oublier l’aspect visuel au profit de la seule production signifiante du dialogue : la mise en scène de la parole comme les expressions des personnages durant les dialogues ont souvent une importance aussi grande que le contenu de leurs phrases. Il s’agit donc de balayer rapidement l’écran du regard en allant des images aux sous-titres, et de privilégier l’image si l’on manque de temps. Si l’on se concentre sur l’image en ratant quelques sous-titres, on sera plus attentif à la bande son, également productrice de sens.

On peut rappeler aux jeunes spectateurs que, sans entraînement, l'exercice de la VOST est difficile pour une grande partie des spectateurs de tous âges ! Ses vertus ne sont pas forcément sensibles au premier visionnage : il faut parfois une certaine expérience.

Grâce à la projection préalable d’extraits ou de courts métrages sous-titrés, on peut habituer le regard, normaliser la pratique et décomplexer le jeune spectateur de ne pas tout lire. Par le passé, certains cinéphiles préféraient même la VO pure à la VOST et à la VF, quitte à ne pas comprendre la langue parlée. Ils savouraient alors pleinement la mise en scène. Serge Chauvin écrit dans son texte sur le sous-titrage déjà cité que « toute une génération de cinéphiles formée par Henri Langlois s’est targuée de pouvoir d’autant mieux apprécier le style d’un metteur en scène (Mizoguchi par exemple), voire le sens de son œuvre, s’il découvrait le film sans sous-titres français. »


Préparer au film lui-même : baliser le récit, présenter les personnages

Si le public avec lequel on travaille risque d’avoir du mal à lire tous les sous-titres, on peut donner des éléments qui faciliteront l’immersion dans le film. Cela atténue les difficultés de compréhension liées au sous-titrage, et les jeunes spectateurs peuvent ainsi se familiariser avec le récit, l’univers diégétique et les personnages. Il faut bien sûr prendre garde à ne pas dévoiler toute l’histoire, afin de conserver le plaisir de la découverte. On peut lire le synopsis, donner à voir la bande-annonce ou les premières minutes du film, présenter les principaux personnages (leurs visages, leurs noms, leurs relations et leurs « fonctions » dans le film, les comédiens qui les interprètent), préciser le contexte historique et géographique de l'histoire. Prendre connaissance des intentions du réalisateur dans les entretiens qu'il a pu donner peut aussi permettre d’avoir des points d’accroche et de mieux adhérer au film.

Pour un exemple de présentation des personnages avant un film, on peut se reporter au document fourni aux enseignants portant sur le film de Woody Allen Match Point (2005), diffusé dans le cadre de « Lycéens et apprentis au cinéma en Franche-Comté ».

 


Match Point (2005) de Woody Allen


Voyage en terre inconnue

Un des grands avantages de la VOST est de donner à entendre une langue étrangère. Cela peut contribuer à l’un des plaisirs du spectateur, celui de voyager par le cinéma.

Avant la séance, on peut situer sur une carte le pays où se déroule le film, en présenter certains traits culturels (notamment ceux qui interviennent d'une façon ou d'une autre dans le film), évoquer enfin la langue qui y est parlée et qu'on entendra grâce à la VOST. L’histoire de la cinématographie du pays concerné et les spécificités de cette dernière pourront également être abordés. En fonction du film, du pays concerné, du temps et des éléments dont on dispose, de multiples approches peuvent être envisagées.

À titre d’exemple, on peut consulter un document fourni aux enseignants à propos du film de Woody Allen Match Point (2005), diffusé dans le cadre de « Lycéens et apprentis au cinéma en Franche-Comté ».

 


Tel père, tel fils (Soshite chichi ni naru, 2013) d'Hirokazu Kore-eda

 


Auteur : Marc Frelin, coordinateur du dispositif "Lycéens et apprentis au cinéma" en Franche-Comté.
Supervision : Jean-François Buiré.
Ciclic, 2018.

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