Séance 3 - Faire varier le point de vue (1)

Le point de vue correspond à ce que l'on voit, depuis l'endroit où l'on est placé. Quand on s'arrête pour regarder un paysage, le point de vue n'est pas limité : il suffit de tourner la tête, de se déplacer, de se pencher, etc.

Au cinéma, le point de vue correspond en premier lieu à ce qui nous est donné à voir, c'est-à-dire les images que la caméra a enregistrées. Ainsi, notre point de vue en tant que spectateur épouse-t-il d’emblée celui de la caméra.

Au moment du tournage, l'endroit où la caméra a été placée détermine ce que l'on verra à l'écran et définit les limites — le cadre — de l'image. Pour en savoir plus sur le cadre cinématographique, on se pourra se reporter au parcours pédagogique d'Upopi qui lui est consacré.

Très vite dans l'histoire du cinéma, le point de vue n'est plus fixe (comme dans les premières vues Lumière ou dans les premiers films de Méliès). La caméra se déplace, se rapproche ou s'éloigne du sujet filmé, selon différents axes. D'un plan à l'autre, le point de vue varie.

Échelle des plans

Dans l'image ci-dessous, la caméra est placée à une grande distance. C'est ce qu'on appelle, au cinéma, un « plan d'ensemble ».

La Fée (2011) de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy, édité en vidéo par MK2.

La caméra est maintenant plus proche des personnages : il s'agit d'un « plan rapproché ». À peine visibles dans le plan précédent, les personnages filmés occupent ici une grande partie de l'image.

 La Fée (2011) de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy, édité en vidéo par MK2.

La caméra, très proche du sujet filmé, cadre un détail de l'image : c'est un « gros plan ».

 La Fée (2011) de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy, édité en vidéo par MK2.

Angles de prise de vues

L'angle de prise de vues constitue une autre manière de faire varier le point de vue.

Dans les exemples précédents, la caméra est placée face au sujet : c'est un axe frontal. Mais on peut aussi placer la caméra au-dessus du personnage, en « plongée ». Filmé en plongée, un personnage peut sembler écrasé, dominé, comme dans cette image extraite du film Docteur Jerry et Mister Love (1963).

Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor, 1963) de Jerry Lewis, édité en vidéo par Paramount Pictures.

La caméra peut aussi filmer le personnage par en-dessous, en « contre-plongée ». L'impression n'est pas la même : dans cette seconde image de Docteur Jerry et Mister Love, le même personnage (après transformation physique) est montré de manière à le faire paraître plus grand, plus imposant que dans l’image précédente.

Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor, 1963) de Jerry Lewis, édité en vidéo par Paramount Pictures.

À noter que la variation d'angle de prise de vues peut se faire non seulement verticalement, mais aussi latéralement : on peut cadrer un sujet de trois quarts. Variations verticales et latérales sont évidemment susceptibles de se combiner de multiples façons : par exemple, on peut filmer une personne de trois quarts gauche en plongée, ce qui ne donnera pas la même impression que si on la filmait également de trois quarts gauche mais en contre-plongée, ou en contre-plongée mais sans angle latéral de prise de vues marqué.

Quoi qu’il en soit, en faisant varier le point de vue on guide le regard du spectateur vers certains éléments de l'image. Selon la place qu'ils occupent dans le cadre et la manière dont ils sont filmés, ces éléments paraissent avoir plus ou moins d'importance. Le choix du point de vue est signifiant : il peut par exemple influencer la perception que le spectateur a d'un personnage (dans les deux images précédentes, il apparaît d'abord écrasé, puis imposant).

Activité : faire varier le cadre

Objectif : faire le portrait d'un ou d’une camarade en cinq ou six images. Comprendre qu'en photographie comme en cinéma, le choix d'un cadrage est déjà l'expression d'un point de vue. Faire varier le cadre, c'est changer de point de vue et donner un sens spécifique à ce que l'on filme.

Alfred Hitchcock formant un cadre avec ses mains.Matériel : en fonction du matériel disponible, utiliser un appareil photo ou fabriquer un cadre rectangulaire en carton, ou simplement former un cadre avec ses mains, comme l'image ci-contre montre le cinéaste Alfred Hitchcock en train de le faire.

Consignes : former un binôme et photographier (ou regarder à travers le cadre qu’on en carton qu’on aura fabriqué) son/sa partenaire. Choisir différents points de vue en se rapprochant, en s'éloignant ou en se déplaçant par rapport à lui/elle : qu'est-ce qu'on veut montrer, mettre en valeur ? Comment « raconter » une personne en images (sa personnalité, son caractère, ses habitudes, etc.) ?

On peut procéder de la façon suivante :

. cadrer un plan d'ensemble.
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 faire varier la distance : plus on se rapproche, plus le personnage apparaît resserré dans le cadre et moins il y a de détails d'ensemble.
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 changer d'axe : frontal (à hauteur de regard), en plongée (en se plaçant au-dessus de la personne filmée), en contre-plongée (photographier la personne en se plaçant en position assise ou couchée), de trois quarts.
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 échanger les rôles avec son/sa partenaire.

Visionner collectivement les photos réalisées. Chaque photographe expliquera pourquoi il/elle a choisi tel ou tel point de vue, ce que ces différents points de vue expriment à propos de la personne photographiée. Tenter d'envisager en quoi, à travers ce portrait en plusieurs images, c'est aussi le point de vue de la personne qui photographie (ou filme) qui se manifeste.

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Autrice : Delphine Simon-Baillaud, enseignante de cinéma et vidéaste.
Supervision : Jean-François Buiré.
Ciclic, 2019.