Séance 3 : Raccords dynamiques

Matériel nécessaire

. un ordinateur avec enceintes
un vidéoprojecteur
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 un écran, ou une surface sur laquelle on peut projeter des image.

Objectif de la séance

Les séances 3 et 4 ont pour but de familiariser les élèves avec le vocabulaire du cinéma, du découpage des plans et du montage.

Les raccords étudiés dans la séance 3 concernent des plans « en mouvement », qui comportent ou impliquent des mouvements ou des déplacements de caméra.


Mouvement et déplacement de caméra

Afin de partager un vocabulaire simple avec les élèves sans se perdre dans des termes techniques, on utilisera deux dénominations (qui ne sont pas exactement celles utilisées par les praticiens ni par les théoriciens du cinéma) pour désigner les « mouvements d'appareil » perceptibles dans les plans cinématographiques :

. le mouvement de caméra, qui implique un pivotement (horizontal ou vertical) de l’axe vertical sur laquelle la caméra est fixée [terme technique : panoramique]
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 le déplacement de caméra, qui implique un changement de position de la caméra dans l'espace au cours de la prise de vues [terme technique : travelling — sauf cas particuliers comme par exemple celui de la caméra sur grue].

Nota :

. Les termes techniques mentionnés ci-dessus entre crochets le sont à titre indicatif : mieux vaut ne pas risquer de perdre de jeunes enfants avec un vocabulaire spécialisé, qu'ils pourront découvrir quand ils seront plus âgés.
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 Il est possible d'effectuer des plans combinant mouvement et déplacement de caméra.

La première activité a pour but de s’assurer que les enfants font la différence entre mouvement et déplacement de la caméra, tels que nous les avons définis ci-dessus. On leur pose la question suivante : dans les trois extraits suivants, la caméra est-elle fixe, en mouvement ou en déplacement ?

Extrait 1 : Panorama pendant l'ascension de la tour Eiffel (1898) - Vue Lumière

Ici, la caméra est « embarquée » dans la cabine d'un ascenseur qui monte à l'intérieur d'un des piliers de la Tour Eiffel. Il s’agit donc bien d’un déplacement de caméra, tel que nous l'avons défini ci-dessus.

Nota : sans doute vaut-il mieux ne pas citer le titre exact de ce film, car cela pourrait semer la confusion chez les élèves. En effet, le terme panorama, bien qu'il soit proche de panoramique, est en fait le nom qui était donné au travelling au début de l'histoire du cinéma.

Extrait 2 : La Croisière du Navigator (The Navigator, 1924) de Buster Keaton et Donald Crisp

Il y a un petit piège : comme dans l'exemple précédent, la caméra est embarquée, ici sur le pont du bateau : il s'agit là aussi d'un déplacement de caméra, au fil de l'eau. Mais on remarque également un mouvement de caméra qui suit le trajet du personnage de gauche à droite.

Extrait 3 : Le Village de Namo (1900) - Vue Lumière

Voici un autre déplacement de caméra : pour tourner cette vue, l'opérateur Gabriel Veyre s'est placé sur une chaise à porteur qui lui a permis de précéder les habitants du village en les filmant à reculons, tout en limitant les sautes d'images.


Raccords dynamiques

Les mouvements que l'on vient d'évoquer sont circonscrits dans les plans où ils sont perceptibles. Un raccord est dit « dynamique » lorsqu'il lie les mouvements présents dans deux plans distincts. (Dans le cas du raccord dans l'axe, comme nous le verrons, il s'agit plutôt d'évoquer un déplacement de caméra que l'on ne voit pas effectivement, mais qui est impliqué par la succession des plans.)

1. Le raccord de mouvement

Extrait 4 :  Le Voyage dans la Lune (1902) de Georges Méliès - Extrait du film

Dans cet extrait du Voyage dans la lune, on assiste à un double alunissage : un plan montre la fusée qui vient percuter l'œil de la Lune, et le suivant la montre de nouveau arrivant sur cette dernière. Dans le cinéma dit « des premiers temps », ce type de répétition (d'un mouvement, d'un geste, d'une action) d'un plan à un autre était fréquent : ce n'était pas un faux raccord, mais une façon de monter différente de celle qui s'est imposée par la suite.

Extrait 5 :  Le Voyage dans la Lune (1902) de Georges Méliès - Extrait remonté

L'extrait précédent du film de Méliès été remonté. On a supprimé la répétition de l'alunissage en coupant la fin du premier plan : cette fois, on a affaire à un raccord de mouvement tel qu'il se pratique encore couramment aujourd'hui. Le mouvement de la fusée vers la Lune, exprimé dans le premier plan par le déplacement de caméra en direction du « visage » de celle-ci, semble se continuer dans le second plan par la fin de la trajectoire de la fusée que l'on voit cette fois à l'écran.

Nota :

. Pas de mouvement ni de déplacement de caméra dans le second plan de cet extrait : « juste » le mouvement d'un objet filmé.
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 Dans le premier plan, on a en fait une illusion de déplacement de la caméra, qui dans la réalité du tournage est restée fixe. Pour une explication précise de cet effet, voir la frise d'Upopi sur l'histoire des trucages et effets spéciaux cinématographiques, à l'entrée « 1902. Le Voyage dans la Lune (Georges Méliès) ».

2. Le raccord dans l’axe

Extrait 6 : Les Oiseaux (The Birds, 1963) d'Alfred Hitchcock - Extrait du film

Dans cet extrait, une femme attend sur un banc à côté d’une école, en fumant une cigarette. Au fur et à mesure, la caméra resserre sur son visage dans une succession de raccords dits « dans l’axe ». Chaque nouveau plan sur la comédienne est plus serré que le précédent, mais la caméra conserve toujours le même axe de prise de vues par rapport à la jeune femme. Entre chacun de ces plans, le déplacement de la caméra (tel que nous l'avons défini plus haut) est comme ellipsé, escamoté. Malgré les plans intermédiaires sur les oiseaux, le spectateur opère des raccords mentaux entre les quatre plans sur le personnage.

Extrait 7 : Les Oiseaux (The Birds, 1963) d'Alfred Hitchcock - Extrait remonté

Pour clarifier les choses, ce remontage muet de la scène des Oiseaux ne conserve que les plans sur la jeune femme.

On peut modéliser l’extrait à l’aide d’un plan au sol :



P1, P2, P3 et P4 représentent les positions successives de la caméra par rapport au personnage, représenté par le « D » bleu.

Le raccords sur le personnage selon un axe invisible (en pointillés sur le plan au sol) s'opèrent ici par resserrements successifs, mais ils pourraient se faire au contraire par élargissements successifs, ou en alternant resserrements et élargissements : tout dépend de l'effet (dramatique, rythmique, plastique) que l'on veut susciter.

Au moyen des éléments joints à cette séance à imprimer et à découper, on peut demander aux élèves de faire eux-mêmes correspondre chacune des quatre positions de caméra successives avec un photogramme prélevé dans chacun des quatre plans successifs.

SUITE


Auteur : David Ridet, coordinateur cinéma de l'académie d'Orléans-Tours. Ciclic, 2018.