Séance 4 : Champ-contrechamp / Raccord de regard

Matériel nécessaire

. un ordinateur
un vidéoprojecteur
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 une paire d'enceintes
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 un écran, ou une surface sur laquelle on peut projeter des images.

Objectif de la séance 

La séance 4 a pour but d'aborder les raccords permettant d'exprimer les rapports entre personnages, ou entre des personnages et le monde environnant.

 

Le champ-contrechamp

Le champ est, pour un plan donné, la portion d'espace filmée et délimitée par le cadre.

Le contrechamp est la portion d'espace opposée à ce champ, lorsqu'elle est donnée à voir.

Le hors-champ est, pour un plan donné, la portion d'espace qui n'est pas filmée et qui se situe au-delà des limites du cadre. À ce titre, on peut dire qu'un contrechamp est un hors-champ qui devient visible.

Le champ-contrechamp est la figure de montage qui consiste à faire alterner un champ donné et un champ spatialement opposé. Elle est souvent utilisée pour mettre en scène un dialogue.

Extrait 1 : Peau d’Âne (1970) de Jacques Demy.

Grâce à la baguette magique que lui a donnée la fée sa marraine, la princesse interprétée par Catherine Deneuve se dédouble et peut dialoguer en chanson... avec elle-même ! Ainsi, cette scène alterne systématiquement un champ sur la princesse vêtue d'une robe scintillante et un contrechamp sur la princesse vêtue d'une peau d'âne, toutes deux étant interprétées par la même actrice.

Nota :

. On pourrait formuler les choses de façon inverse et dire qu'il s'agit d'une alternance de champs sur Peau d'âne et de contrechamps sur la princesse richement vêtue.
Le champ-contrechamp paraît ici d'autant plus systématique (nous sommes dans la simplification stylisée du conte) que la scène ne joue jamais sur le hors-champ : chaque chant et chaque action est émis ou effectué strictement à l'intérieur du champ visible à l'image.

Extrait 2 : The Truman Show (1998) de Peter Weir

Dans ce dialogue qui prend la forme d'une alternance de champs sur l'ami de Truman, qui tente de réconforter ce dernier, et de contrechamps sur Truman en plein désarroi, on joue un peu plus sur le hors-champ que dans l'extrait précédent : parfois, on entend la voix du personnage qui parle alors qu'à l'image on voit le visage de celui qui écoute. On parle alors de « contrechamps de réaction ».

Nota : ce dialogue pourrait être montré autrement : on pourrait par exemple montrer les deux personnages en train de se parler dans le même plan (cf. le premier plan de cette scène), ou recourir à un mouvement de la caméra qui passerait d'un personnage à l'autre. Dans l'extrait précédent de Peau d'âne, ces deux solutions imposeraient l'emploi d'effets spéciaux, puisque les deux interlocutrices y sont interprétées par la même actrice !


Le raccord de regard

Extrait 3 : Porco Rosso (1992) d'Hayao Miyazaki.

Décrire la scène avec les élèves : à moitié endormie, une jeune fille allongée dans un sac de couchage porte son regard sur un homme attablé à proximité. Stupéfaite, elle l'interpelle : le visage qui se tourne alors vers elle est celui d'un cochon.

Revenir ensuite sur les plans qui composent cet extrait à l'aide des photogrammes suivants :

Images extraites du dossier « Porco rosso » :

Montage : Champ 1 / Contrechamp 1

Champ 1 / Contrechamp 1

Montage : Champ 2 / Contrechamp 2

Champ 2 / Contrechamp 2

Montage : Champ 3 / Contrechamp3

Champ 3 / Contrechamp 3

Il s'agit là encore d'un champ-contrechamp : cette scène fait alterner une série de champs sur la jeune fille et de contrechamps sur le personnage attablé. Mais le lien qui s'établit entre le champ et le contrechamp se fait par des raccords de regard, celui que l'on prête à la jeune fille : les contrechamps sont des plans subjectifs, censés permettre au spectateur d'épouser la vision d'un personnage.

Nota :

. Le contrechamp 1 est un plan « semi-subjectif » : on voit ce que voit la jeune fille, mais elle est aussi présente dans l'image. Le fait que ce premier contrechamp soit semi-subjectif permet d'intensifier l'expression du regard de la jeune femme dans les deux contrechamps suivants : ils se resserrent sur le seul personnage attablé.
Comme tout raccord « signifiant », le raccord de regard est un code de montage empirique que l'on apprend à décrypter au fur et à mesure de son expérience de spectateur de films, jusqu'à l'assimiler comme une évidence : une personne qui n'aurait jamais vu de film et à qui l'on montrerait Porco rosso ne comprendrait sans doute pas d'emblée, en assistant à ce champ-contrechamp, que cette jeune fille est censée regarder ce personnage attablé !

Extrait 2 : Mon voisin Totoro (1986) d'Hayao Miyazaki.

Ce court extrait de trois plans donne à voir deux champs sur la petite fille (plans 1 et 3), entrecoupés d'un contrechamp sur le couple à motocyclette. L'impression qu'un raccord de regard s'établit entre le plan 1 et 2 se confirme par le retour du champ initial sur la jeune fille, au plan 3.

Extrait 4 : Mon voisin Totoro (1986) d'Hayao Miyazaki.

En l'occurrence, on ne peut pas parler de raccord de regard : cet extrait se compose d'un seul plan, au cours duquel « la caméra effectue un mouvement de gauche à droite » (on utilise ici les guillemets dans la mesure où nous sommes face à un dessin animé) et découvre ainsi l'objet du regard de la petite fille : le paysage au soleil couchant. Dans les films en prises de vues réelles, recourir au champ-contrechamp avec raccord de regard permet entre autres d'éviter des mouvements de caméra trop répétitifs et/ou trop rapides.

SUITE


Auteur : David Ridet, coordinateur cinéma de l'académie d'Orléans-Tours. Ciclic, 2018.