Séance 5 - Sonoriser

Au même titre que leur montage (cf. séance précédente), la sonorisation des images peut considérablement influencer la perception qu'on en a.

À partir de la seconde moitié des années 1920, il devient possible d'enregistrer et de restituer des sons et des images en mouvement de façon synchrone. Cependant, filmer et prendre du son sur le vif n'est pas des plus aisé, car la caméra doit être reliée à un magnétophone et la prise de son doit éviter le bruit des moteurs de la caméra. L'enregistrement de son synchrone est facilité par l'invention du time code à la fin des années 1960 et par l'apparition dans les années 1970 de caméras maniables sur lesquelles on peut directement brancher des microphones.

Jusqu'aux années 1970, beaucoup d'images prises sur le vif, notamment des images amateurs, sont encore muettes. Cela laisse le champ libre à tout un travail de montage sonore a posteriori. Mais comment ajouter du son sans trahir ou manipuler les images d'archives ? Par ailleurs, de quelle manière le son peut-il contribuer à nous faire accéder à l'historicité du document ?

1re activité : Le pouvoir évocateur du son (15 min)

Déroulement :

À titre d'exemple des pouvoirs d'évocation de la bande sonore, montrer l'extrait suivant du film Les Saisons (Vremena goda, 1975), du cinéaste arménien Artavazd Pelechian. Cet extrait est ici accompagné de différentes bandes sonores successives, qu'on a substituées à la musique qui accompagne le film originellement (on entend cette musique à la fin du montage) :

• Son n°1 (00:02) : il s'agit tout d'abord d'un son d'avalanche qui pourrait être celui enregistré directement avec ces images : le son est, à ce moment-là, illustratif. À 00:41, il fait place à un son artificiel, pour sa part suggestif : ce nouveau son installe une ambiance angoissante.

Son n°2 (01:14) : le son d'un projecteur de cinéma argentique (c'est-à-dire : qui projette un film sur support pellicule, et non sur support numérique) peut évoquer le point de vue d'un spectateur sur cet extrait : une personne qui le regarderait dans une salle de cinéma mal insonorisée, ou depuis une cabine de projection. À 01:30, le son devient celui d'un hélicoptère : on peut donc penser, cette fois, non plus au point de vue d'un spectateur de cinéma, mais à une personne qui serait le témoin direct, depuis un hélicoptère, de la glissade de ces hommes et de leurs brebis à flanc de montagne.

Son n°3 (02:23) : la musique peut influer sur la perception du lieu où se déroulent les images. Dans ce cas, le début de la chanson Hiya Bghat Es-Sahra, de la chanteuse de raï Cheikha Remitti, « orientalise » ces images d'hommes dans la neige.

Son n°4 (03:09) : il s'agit en l'occurrence de la bande originale des Saisons de Pelechian, dans laquelle aucun son direct ne subsiste.

2e activité : Le commentaire manipulateur (15 min)

Matériel nécessaire :

Un extrait d'images d'archives qu'on aura monté au préalable avec un commentaire et une bande son correspondant à un autre documentaire.

Expliquer aux élèves qu'ils vont regarder un documentaire historique. Après la projection, poser les questions suivantes : où et quand se déroule le documentaire ? Quel sujet aborde-t-il ? En fonction des réponses des élèves, les amener à faire la part de ce qu'on voit réellement dans les images et de ce que dit la voix off.

Le son a souvent la primauté sur l'image notamment à la télévision, où l'on dit en permanence au spectateur ce qu'il est en train de voir. Plusieurs films jouent avec ce principe, par exemple :

  • Lettre de Sibérie (1957), de Chris Marker : le cinéaste Chris Marker s'interroge sur la manipulation des images. Apportant la preuve par l'exemple, il propose plusieurs commentaires en voix off de séquences qu'il a filmées en URSS (cf. l'exemple suivant) : l'un élogieux, l'autre critique, le troisième plus objectif.
  • Les Photos d'Alix (1980), de Jean Eustache : une photographe montre certaines de ses images à un ami. Peu à peu, le rapport entre les commentaires qu'on entend et les photographies qu'on voit devient de moins en moins évident.

3e activité : Faire récit de l'histoire (10 min)

Montrer un extrait de Terre-Neuvas (1993), de Françoise Bernard, Juliette Cahen, Ariane Doublet, Manuel Frésil et Pascal Goblot. Dans ce film, des prises de vues tournées par des marins-pêcheurs qui partaient à Terre-Neuve sont contextualisées par le texte des lettres de certains d'entre eux. Ce n'est pas exactement un doublage, mais un travail sonore qui tente de reconstituer des ambiances réalistes.

Poser ensuite les questions suivantes : qui est le narrateur ? Le voit-on ? Quel rapport a-t-il avec les images ? Est-ce une personne réelle, ou un personnage interprété par un comédien ? Qu'est-ce qui permet de l'affirmer, ou de le supposer ? Les sons sont-ils synchrones avec les images ? Ont-ils un rapport avec ce qui est donné à voir ?

4e activité : Éclairer des images par des questions : la lettre de l'enquêteur (20 min)

Un atelier ne laissant que rarement le temps de mener une enquête historique qui pourrait servir de matière à un travail sonore, cette activité propose de faire récit à partir d'un des points les plus cruciaux de l'enquête historique : la formulation de questions.

Matériel nécessaire :

  • un extrait de film d'archives de 2 à 3 minutes
  • un micro directionnel
  • facultatif : un poste de montage pour l'intervenant
  • si l'un des groupes bruite l'extrait : des objets permettant d'effectuer ce bruitage.

Visionner l'extrait de film d'archives retenu. Par petits groupes, les enfants doivent ensuite écrire une lettre, éventuellement rédigée à la première personne du singulier ou du pluriel, et adressée au filmeur ou à l'un des personnages visibles dans l'extrait. Dans cette lettre, ils reprennent l'ensemble des questions qu'ils se posent à propos de cette archive, et ils peuvent également y inclure les éventuelles réponses qu'ils ont en tête. Une fois écrite, la lettre de chacun des groupes est lue par un de ses membres, face à l'extrait de nouveau diffusé. Si l'on dispose de plus de temps, on peut aussi enregistrer la voix et la monter avec l'extrait.

L'un des groupes peut également préparer un bruitage de l'extrait (voir séance 7 et séance 8 du parcours pédagogique « À la découverte du son »), qui sera diffusé pendant la lecture de chacune des lettres.

 

Autrice : Amandine Poirson, réalisatrice. Supervision : Jean-François Buiré. Ciclic, 2015.