Faire un film suédé

Le succès du film de Michel Gondry Soyez sympas, rembobinez ! (2008) a lancé un nouveau concept : la réalisation de remake « suédé » — comprenez : la reprise de films célèbres avec les moyens du bord. 

Dans le cadre d'ateliers de pratique artistique, Ciclic encadre régulièrement des projets de remake suédé. Les participants se basent sur des extraits de films cultes afin de faciliter l'identification de la référence. Après avoir analysé en détail la séquence originale, ils se lancent dans le remake en tirant le meilleur parti possible de leur imagination et des trois bouts de ficelle dont ils disposent. 

Charlie Rojo et Just Philippot, réalisateurs et intervenants pédagogiques, expliquent l'intérêt de la démarche et donnent quelques conseils pour réussir son atelier de film suédé.

S'appuyer sur les codes d'un genre

« Je pense qu'il est primordial de choisir en amont quelques extraits de films dits populaires. » justifie le réalisateur Just Philippot. « Le mieux étant d'aller chercher des extraits qui respectent un genre précis, une grammaire cinématographique de qualité afin d'ouvrir le dialogue, de disséquer la réalisation d'un film. Les gros plans, les plans larges, le travail du son, du décor, toutes ces informations ont un langage qu'il faut ressentir. Ce langage nous permet aussi d'entrer un peu plus en profondeur dans l'écriture du scénario, dans la psychologie des personnages, dans le pourquoi des actions. L'enfant ou l'ado se sent alors rapidement passer de l'autre côté du miroir. La curiosité s'amplifie à mesure que la première séance avance. »

Regarder l'original de près

« À chaque plan, plusieurs questions : quel type de plan avons-nous et pourquoi cette focale a été choisie ? Quelles sont les informations dans le plan (décor, accessoire, effets spéciaux...) ? Quelle est l'action du ou des personnages ? Y a-t-il un mouvement de caméra important ? Après avoir répondu à toutes ces questions pour chacun des plans, nous avons listé toute une série d'éléments à préparer afin de pouvoir lancer la « production » du film. »

Débrider l'imagination par le bricolage

« Ces ateliers invitent à l'inventivité et à la créativité. Faire à l'identique une scène d'un film avec peu (ou pas) de budget entraine une profusion d'idées et une réappropriation de la scène par les participants de l'atelier. Dans le cas de Il était une fois à Thoré, la petite gare et le train pour touristes, les barbes dessinées au bouchon brûlé, les imperméables trop grands, le pistolet de jeu vidéo, la mouche tiré par un fil, les poneys Barbie en guise de chevaux créent un décalage comique. Et c'est là que la magie opère. Si loin, si proche : en proposant leur propre version/vision de la scène, les jeunes de Vendôme ont ainsi donné une véritable autonomie à cette copie de l'original, avec son identité propre », précise Charlie Rojo.

Un atelier complet

« Analyse de séquence, confrontation à l'univers du cinéma à travers tournage et montage, choix du décor et des costumes, direction et jeu d'acteurs : en liant à la fois théorie et pratique, ces ateliers font donc preuve d'une réelle force pédagogique et permettent d'envisager l'éducation à l'image sous de nouvelles perspectives, riches à souhait. »

Version suédée de la séquence d'ouverture du film Il était une fois dans l'Ouest, tournée à Thoré-la-Rochette (41).

Version suédée de la séquence "maîtrise du vol" du film Spiderman de Sam Raimi, tournée à Anet (28)

« Un film « suédé » n’est pas qu’un simple exercice de style. Bien plus que ça, il offre la possibilité d’accompagner les élèves par le biais d’un exemple concret ; le regard, l’envie et l’énergie d’un groupe jeune ou moins jeune, novice ou expérimenté à travers la réalisation d’un petit film.
On dit souvent d'un film qu’il est la mise en œuvre collective d’un projet individuel. Encore faut-il apprécier le temps de développement et d’écriture, voire de production qui le caractérise. Le film suédé offre quant à lui la liberté d’une « caméra-stylo ». Légère, précise, intuitive, elle permet de dépasser les cadres contraignants du cinéma. Pendant ces quelques jours de tournage, j’ai constaté que la liberté d’action permettait une grande liberté de création. En s’affranchissant d’abord des règles scénaristiques, mes jeunes réalisateurs n'ont pas été écrasés par l'ambition artistique. Au contraire, la reprise d’un canon hollywoodien leur a offert une direction claire et nette pour la réalisation d’un film en trois jours et selon nos moyens.
 »
Just Philippot


Un film écrit, réalisé, interprété et monté par Lucas Conoir, Lorynn Couroyer, Mélissa Couroyer, Morgan Fenot, Julien Jung, Mélanie Mastrippolito, Océane Peron et Justine Simon.

Encadrement artistique : Just Philippot.

Porteur du projet : communauté de communes de Val d'Eure et Vesgre.