Mic Jean-Louis - Ateliers

Maquillage

Après l’accident de mobylette de Jean-Louis, deux plans montrent une étrange plaie à l’endroit de la tête où il a été blessé, une "fleur de sang" comme la décrit le scénario. Cette protubérance semble avoir "poussé" sur le crâne de Jean-Louis, comme une émanation fantastique de l’intériorité du personnage. On pourra la comparer aux tableaux du peintre maniériste Giuseppe Arcimboldo, l’art du maquillage relevant également des arts plastiques (sculpture, peinture, happening, etc.). Le maquillage introduit de façon frontale le fantastique, donne une représentation graphique de ce qui alors n’était que suggéré. Dans Mic Jean-Louis, le maquillage est-il immédiatement identifiable ? En quoi est-il composite ? Que peut-il symboliser ? Dans quelle mesure fait-il un peu plus de Jean-Louis un être ancré dans sa terre (au début du film, il dit qu’il est "enraciné") ? Pourquoi mêler les matières, végétal et minéral, tellurique et marin (quartz et mollusque) ? Autre piste : Jean-Louis voit sa tête remodelée comme dans les films fantastiques : le bandeau est presque celui de l’homme invisible, ou de la momie ; le tissu qui le recouvre dans l’hôpital évoque le cobaye de quelque expérience menée par un savant fou...Photogramme extrait du film "Mic Jean-Louis" de Kathy Sebbah et représentation de l'oeuvre de Giuseppe Arcimboldo

Puissances du faux

À la différence du film de Peter Jackson, Forgotten Silver (1995), Mic Jean-Louis n’est pas un faux film documentaire. Forgotten Silver raconte l’histoire d’un pionnier du cinéma néo-zélandais, Colin McKenzie, cinéaste visionnaire qui aurait injustement sombré dans l’oubli. Le personnage est fabriqué de toutes pièces par Peter Jackson (en s’inspirant notamment de David Wark Griffith, l’auteur de Naissance d'une nation), qui construit son film comme un reportage, mélangeant interviews, images d’archives, extraits de films exhumés. Or, le film est une supercherie, ou une fiction travestie en documentaire, qui travaille sur les puissances du faux. Mic Jean-Louis travaille sur un tout autre terrain, même si le film débute comme un documentaire. À l’inverse de Peter Jackson, qui essaie de faire passer pour réel un personnage fictif, Kathy Sebbah prend un personnage réel, le met à l’épreuve du cinéma et de son imaginaire (donc de la fiction) pour mieux le faire exister, susciter le questionnement, l’effet d’indétermination — un élément clé du fantastique. On pourra à cette occasion travailler les interprétations possibles de la fin du film, notamment à partir des regards, de la blessure de Jean-Louis, des sourires échangés dans la voiture, de la présence incongrue des motards.

Photogrammes extraits des films "Forgotten Silver" de Peter Jackson et "Mic Jean-Louis" de Kathy Sebbah

Liens familiaux

Le cinéma permet de créer des rapports étranges et inattendus entre les films, entre les plans ou entre les sons. On proposera aux élèves de visionner tout ou parties de Psychose (Psycho, 1960) d’Alfred Hitchcock, que Mic Jean-Louis évoque indirectement à travers la figure de la mère. On se souvient du rôle joué par la mère de Norman Bates, personnage qui n’apparaît en silhouette que dans les scènes de meurtres, ou en ombre chinoise derrière les fenêtres de la demeure familiale qui surplombe le motel, jusqu’au coup de théâtre final. Si les rapports entre Jean-Louis et sa mère sont beaucoup plus communs, on ne verra jamais madame Mic, dont son fils s’occupe tous les jours — elle existe bel et bien mais n’a pas voulu être filmée. Dans les deux films, la mère est une figure de l’absence omniprésente, qui en quelque sorte “structure“ les personnages, leur rapport au monde et aux femmes. Dans la scène du rêve de Jean-Louis, une femme âgée qui pourrait être une représentation de cette mère invisible apparaît d’ailleurs, vêtue de noir. À l’inverse, dans la scène du repas, Jean-Louis mange seul chez lui, mais le couvert est dressé pour deux… Mic Jean-Louis ne raconte-t-il pas la façon dont Jean-Louis parvient, grâce à Claire, à "couper le cordon" ?

Photogramme extrait des films "Mic Jean-Louis" de Kathy Sebbah et "Psychose" d'Alfred Hitchcock