Dans les coulisses de Plume

Barry Purves ouvre les portes du tournage de Plume et nous fait part de ses secrets de réalisation. Des extraits de la note d'intention nous éclairent sur le défi artistique et les objectifs poursuivis par le réalisateur sur ce film.

Faire danser les marionnettes

"Le défi excitant avec ce film est de raconter une histoire complexe, à niveaux multiples, touchante et finalement optimiste, sans l'aide du décor, de costume ou même de dialogues. La réussite du film devra dépendre uniquement de l'idée et du jeu des personnages. Un jeu d'acteur qui sera pratiquement le seul vecteur d'information sur l'environnement ou la géographie des actions. Je veux pousser les limites de l'animation pour aller vers un style gestuel physique et une intensité qu'on retrouve que chez les grands danseurs ou les grands mimes. Je veux tenter d'émouvoir le spectateur avec une image et une narration dépouillée, à l'instar d'un acteur ou un danseur seul sur une scène vide [...]." (Extrait de la note d'intention du réalisateur)

"Toute l'œuvre de Barry a un lien étroit avec la scène, du théâtre classique (Next), japonais (Screen Play), ou antique (Achilles) à l'opéra (Rigoletto) ou l'opérette (Gilbert & Sullivan). Plume s'inscrit aussi dans cette logique en allant cette fois lorgner du côté de la danse. Plume est une pièce sans paroles dans laquelle le geste est l'unique moyen d'expression. [...]
Pour la première fois avec Plume, Barry ne s'appuie pas sur un texte classique ou une œuvre du répertoire. Il aborde le thème du deuil vécu comme une mutilation et la nécessité d'y survivre, sentiments tellement personnels qu'il fallait qu'il se donne lui-même le cadre de l'histoire. Mais Plume va volontairement plonger dans l'imaginaire collectif à la recherche d'un message universel, comme une histoire très ancienne retrouvée, dont Barry donnerait sa propre interprétation.
Et cette fois, les dispositifs scéniques qui ont fait la marque des films de Barry s'effacent pour mettre le personnage, et le personnage seul, au centre d'une histoire qui ne se raconte plus que grâce à son pouvoir magique - celui qui lui permet de donner vie à des objets inanimés." (Wendy Griffiths et Stéphane Piera, producteurs)

Un théâtre d'ombres

"Presque toute l'action se passe sur un vide noir absolu, c'est le langage du corps qui définit si nous sommes sur le sol ou dans les airs. Le personnage principal [est] de couleur pale, presque monochrome, à l'exception de ses yeux bleus. Il bouge avec une grâce lyrique proche de la danse, en parfait contraste avec les mouvements saccadés et hystériques des "Ombres". Les "Ombres" ne sont jamais vues clairement, mais devinées grâce à la lumière des plumes qui fait ressortir les reflets bleutés de leur peau qui, elle, rappelle la carapace du scarabée. [...]
Les "Ombres" sont là pour représenter les forces méprisantes et destructrices qui précipitent "un changement brutal". J'ai commencé à travailler sur cette histoire alors que j'étais moi-même confronté à des circonstances brutales. D'abord la perte de mes parents, ensuite l'évolution des technologies en animation. La technologie 3D se développait rapidement et semblait menacer tout ce qui me définissait en tant qu'artiste. Mon univers c'était les marionnettes et je résistais à l'idée de travailler avec des ordinateurs. Plume est conçu pour avoir toutes les scènes aériennes et "terrestres" réalisées dans une technique de marionnettes traditionnelle (stop-motion) mais la scène aquatique finale [est] réalisée par ordinateur." (Extrait de la note d'intention du réalisateur)

Couleurs musicales

"Musicalement, j'imagine une partition simple, orchestrale, avec un changement d'instrumentation pour marquer la séquence finale lorsque le personnage découvre l'eau. Le rôle de la musique sera d'accentuer l'approche presque chorégraphique de la mise en scène et de l'animation, avec ses tensions, sa violence et l'apothéose finale du personnage. [...] Il est essentiel que la musique du film soit un élément à égalité avec le visuel, et non une simple ambiance. En bien des points, elle sera comparable à une musique de ballet [...].
Afin de faire échos à la structure du film en trois actes, la musique du film devra avoir trois "couleurs" différentes. Notamment, j'aimerais qu'elle soit commes les ailes de mon héros, commençant avec une sonorité riche et pleine puis s'amenuisant à mesure que les plumes sont perdues pour devenir presque exsangue et se reconstituer pour revenir triomphante quand l'être découvre le bonheur de la nage." (Extrait de la note d'intention du réalisateur)

Barry Purves

Né le 5 juillet 1955, Barry J.C. Purves, d'origine anglaise, est un des maîtres du cinéma d'animation contemporain. Son travail est profondément influencé par les traditions du théâtre et de l'opéra. Il est mondialement reconnu pour sa qualité de conteur et sa capacité à dépeindre les personnages et leurs émotions à travers un langage de gestes.
Après des études de civilisation grecque et de théâtre à l'université de Manchester, il commence à travailler comme régisseur et comme acteur dans de nombreux théâtres d'Angleterre. Dès 1986, il devient animateur free-lance et réalise des publicités, des clips, des séquences d'animation et dirige également des ateliers dans tous les principaux studios américains (Dreamworks, PDI, Pixar, Will Vinton's...). Il réalise aussi de nombreuses interviews télévisées, des documentaires et collabore régulièrement à divers magazines. En 1989, il crée sa propre société, Bare Boards, avec laquelle il produira désormais la plupart de ses projets.
Les films de Barry Purves ont remporté plus de soixante prix internationaux et on été nominés aux Oscars et aux BAFTA. Il a également travaillé en tant qu'animateur sur des longs métrages comme Mars Attacks !, King Kong ou Le Seigneur des anneaux.