L’écriture et le développement

de l’imaginaire à l’écrit

Le point de départ d’un film se situe généralement dans la tête d’un réalisateur. Qu’il soit inspiré par une histoire originale, un texte littéraire, un événement historique, un fait divers ou une simple anecdote, il est dans un premier temps matérialisé sous la forme d’un résumé plus ou moins précis que l’on appelle le synopsis.
Tout réalisateur sait que, contrairement au peintre ou à l’écrivain, il ne peut aboutir seul à la concrétisation de son œuvre. Commence pour lui un long parcours, ponctué par de nombreuses étapes et rencontres grâce auxquelles il va parvenir, au fil des mois et parfois même des années, à concrétiser ses idées sous forme d’images et de sons.

Le synopsis lui permet tout d’abord de convaincre un producteur. Souvent perçu à tort par le grand public comme une sorte de riche banquier, celui-ci a pour mission d’évaluer et de réunir les moyens permettant au réalisateur de développer son projet. Mais il est également, et tout au long de la fabrication du film, son interlocuteur privilégié, le conseillant dans ses choix et l’accompagnant de bout en bout dans sa démarche artistique.
Leur association est confirmée par un contrat d’auteur. Il stipule que le producteur s’engage, par le biais de sa société, à financer le développement du projet que lui a proposé le réalisateur, en échange de l’engagement de ce dernier à lui céder sous conditions certains de ses droits.

Débute alors la période de transformation de l’histoire, ou de l’idée première, en un texte appelé scénario qui décrira très précisément l’enchaînement des situations, la succession des actions, ainsi que les caractéristiques et les propos des personnages.
Pour accomplir cette tâche, le réalisateur est souvent accompagné par un scénariste, sorte de « technicien de l’écriture » rompu aux règles du récit cinématographique. Leur travail en commun se déroule sur une durée et selon des méthodes très variables. Néanmoins, les étapes qui le jalonnent sont immuables.

La première consiste à rendre plus précis le synopsis de départ en élaborant :
- une description de chacun des personnages (son physique, sa psychologie, sa fonction par rapport aux autres),
- une structuration temporelle de l’histoire (en combien de jours se déroule-t-elle, quelles en sont les principaux temps forts, le début et la fin…),
- une définition du point de vue adopté par le réalisateur (ce qu’il veut dire à travers cette histoire, pourquoi et comment).

En découle un traitement (résumé de chacune des situations du récit sous forme de paragraphes sans dialogues) qui, au fil des versions successives, s’affine pour donner lieu à un séquencier (découpage du même texte sous formes de scènes, chacune d’entre elles correspondant à un décor). Peut alors débuter la rédaction à proprement parler du scénario où apparaissent, selon la règle qui consiste à ne décrire que ce qui est vu et entendu :
- l’intitulé de chaque séquence, comportant son numéro (par ordre croissant), l’effet (intérieur ou extérieur + jour ou nuit) et le nom du décor,
- les didascalies, ou descriptions succinctes des lieux, des personnages et de leurs actions,
- les dialogues.

Certains choix sont précisés dans ce que l’on appelle la note d’intention. Longue de 2 à 5 pages, elle accompagne toujours le scénario et permet de comprendre la façon dont le réalisateur souhaite tourner son récit cinématographique. Y apparaît en effet la justification de ses choix esthétiques et formels qui, comme c’est ici le cas, peuvent être d’une très grande précision.
Ces différents textes, soumis en permanence au regard critique du producteur, donnent lieu à bien des lectures, analyses et corrections. Il n’est pas rare que le couple réalisateur - scénariste rédige plus d’une dizaine de versions d’un même scénario avant d’aboutir à celle qui sera enfin jugée satisfaisante…

Rafaël Lewandowski, réalisateur.