Séance 1 - Expérimenter

1 : Trucs sur TikTok

Enjeux pédagogiques

Plus d’un siècle s’est écoulé depuis les premiers films à truc réalisés par Georges Méliès, et force est de constater que ses trucages sont toujours d’actualité ! Les différents sites et applications de partage de vidéos en ligne en sont la preuve et témoignent chaque jour à travers de nouveaux challenges de la créativité des jeunes utilisateurs. Les Réels d’Instagram ou le flux For You de TikTok présentent ainsi de nombreuses vidéos, qui semblent aussi rapides à réaliser qu’un pouce met de temps à les liker ou à passer à une autre vidéo. Mais est-ce aussi simple ? Ce que l’on voit sur nos smartphones ne s’est pas toujours produit tel quel au moment de le filmer. Comment réaliser ces trucages avec son propre téléphone ?

Matériel

  • Un smartphone permettant de filmer
  • Votre application de partage de vidéos préférée
  • Une application de montage : CapCut, InShot, iMovie, YouCut…

Déroulement

Regarder d’abord une vidéo, puis repérer les moments qui ont dû nécessiter des trucages, en essayant de comprendre le procédé… avant de le reproduire à son tour.

Qu’est-ce qu’un trucage ?

Les trucages rendent possible à l'écran des phénomènes impossibles dans la réalité, comme se transformer instantanément, disparaître ou faire apparaître des objets… On peut avoir recours à des effets spéciaux, requérant du matériel et des savoir-faire spécifiques, mais il s’agit aussi souvent de trucages relativement simples.

Trucage : le Shoe Change Challenge

Si vous êtes passés à côté des vidéos de TikTok, vous pouvez les retrouver sous les hashtags #shoechange #shoechangechallenge ou #shoechallenge ou encore grâce aux compilations publiées sur YouTube. 

A vous de jouer ! Pour commencer, c’est très simple : choisissez les paires de chaussures, accessoires et tenues assorties en prévision des transformations que vous souhaitez mettre en scène. Pour donner l’impression de ne jamais changer de place, il est important que vous ayez tout ce qu’il faut à portée de main ! Comme il vous faudra bouger malgré tout, n’hésitez pas à marquer des repères là où vous vous asseyez (par exemple avec du scotch), pour vos pieds ou vos mains.

Il faudra par ailleurs prêter attention au cadre. Même si l’idée n’est pas de donner réellement un coup de pied à la caméra, votre téléphone a toutes les chances de tomber si vous ne le fixez pas correctement : idéalement avec un trépied, ou bien calé entre des objets lourds ou maintenu à l’aide de pinces (à linge ou à dessin). Dans les deux cas, on peut en plus marquer l’emplacement avec du scotch, si jamais le téléphone bouge malgré toutes vos précautions. Attention également à ce que le téléphone va capter de votre environnement : ce qui doit changer entre chaque prise, c’est votre apparence, pas le décor ou le petit frère qui passe sa tête par la porte !

 

C’est le moment du tournage ! Deux possibilités :

  • Vous êtes deux : la personne qui est filmée marquera un mouvement en rythme avec la musique choisie, et prendra soin de retrouver la même position après s’être changée (la semelle, en masquant l’objectif, autorise cependant à chaque fois de légères variations). La personne qui filme arrête la vidéo la semelle une fois sur l’objectif, et la redémarre une fois son partenaire changé, en faisant bien attention de ne pas faire bouger le téléphone en appuyant dessus.

Shoe Challenge sur TikTok

  • Vous êtes seul : la vidéo sera réalisée en une seule fois et il vous faudra donc faire un peu de montage, en coupant les images du changement de tenue entre deux coups de pied. Pour rendre la vidéo plus fluide, vous pourrez faire un fondu sur deux images pour chaque semelle.

C’est trop dur ? Alors commencez simple : plutôt que de vous filmer en entier, cadrez seulement vos jambes. Ça marche aussi avec la main ou le bras qui vient masquer l’objectif. Ou vous pouvez simplement vous baisser et vous relever avec une autre tenue.

C’est trop facile ? Alors vous êtes prêt pour le Try Me Challenge ou le Nothing can stop me I’m all the way up Challenge !

Pour aller plus loin : de Georges Méliès à Zach King

  • Le premier Try Me Challenge

Comme indiqué en introduction, TikTok n’a rien inventé ! En effet, dès 1900, Georges Méliès avait recours à l’arrêt de sa caméra pour enfiler une veste ou un nouveau pantalon dans Le déshabillage impossible : avant de gagner son lit, un homme se déshabille, mais de nouveaux vêtements apparaissent dès que les anciens sont enlevés. Méliès enlève l’une des pièces de son habit et l’accroche au porte manteau. Il s’immobilise sur place, la caméra s’arrête, un assistant lui pose un chapeau sur sa tête et sort du champ. La caméra est remise en route, et ainsi de suite. Après développement, on fait disparaître les traces des arrêts et des redémarrages de la caméra, en coupant et en recollant la pellicule. À la projection, le malheureux homme virevolte dans tous les sens, assailli par de nouveaux vêtements qui toujours surgissent comme par miracle !

Le déshabillage impossible, de et avec Georges Méliès (1900), Star Film.

  • Les tours de magie numériques de Zach King

Fan de trucages ? Vous connaissez certainement Zach King et ses vidéos magiques, rendues célèbres sur la plateforme Vine. Comme son prédécesseur Georges Méliès, il sait se contenter d’arrêter et redémarrer sa caméra (Children see magic because they look for it), en remplaçant parfois simplement un objet par un autre (When you’ve used the last roll of toilet paper).

Zach King le magicien des réseaux sociaux.

Mais au-delà des prouesses techniques inventées par Méliès, Zach King utilise les outils du numériques (et évidemment la musique, omniprésente sur TikTok) pour renforcer l’illusion. Ainsi, lorsque Zach King change de vêtements, il se contente rarement d’appuyer sur le bouton stop de sa caméra ! En s’amusant à changer la couleur de ses t-shirts (Changing my shirt colour) ou à les échanger avec ses copains (Chestbump Clothes Change), il utilise les fonctionnalités de logiciels professionnels (Final Cut Pro ou Adobe Première) comme les « masques » qui évitent les décalages, souvent inévitables après l’arrêt de la caméra.

Découvrez plus de vidéos de Zach King sur sa chaîne YouTube.

Zach King le magicien des réseaux sociaux.

2 : La Magie du fond vert

Enjeux pédagogiques

Bien sûr il y a les vidéos de Zach King, mais plus largement, tous les grands succès populaires au cinéma s’appuient depuis longtemps sur les effets spéciaux. Comme on l’a vu avec « Trucs sur TikTok », ils peuvent être réalisés pendant le tournage, mais ils peuvent aussi être faits après celui-ci (en post-production). Pour mettre en place ses tours de passe-passe numériques, Zach King déploie pour ses vidéos des moyens formidables : des effets spéciaux dits « mécaniques » qui font appel au maquillage ou à des maquettes par exemple. Mais il s’est aussi formé au logiciel de montage Final Cut Pro dont il maîtrise parfaitement toutes les fonctionnalités. Le développement des possibilités des logiciels et des capacités de calcul et de stockage des équipements ont rendu les effets spéciaux numériques incontournables. Nombre d’entre eux nécessitent de vraies compétences, mais d’autres sont plus simples à expérimenter, et tout aussi spectaculaires, comme l’incrustation.

Matériel

  • Un smartphone ou une caméra + un trépied
  • Un fond vert (tissu, vinyle ou toile), disponible à tous les prix + un système de fixation
  • Un ordinateur équipé d’un logiciel de montage : Windows Movie Maker, iMovie, Virtual Dub, Da Vinci Resolve ou Hitfilm Express dans leur version gratuite, etc.

Déroulement

Evoquer ensemble des films connus ayant eu recours à des effets spéciaux et regarder éventuellement quelques extraits, puis identifier à quels moments un fond vert a pu être utilisé et à quelles fins. Imaginer une courte scène dans laquelle cet effet pourra être utile et reproduit.

Qu’est-ce qu’une incrustation ?

L’incrustation sur fond bleu ou vert est une technique qui permet de filmer un objet ou un acteur que l’on souhaite incruster ensuite dans un décor. Cette technique consiste à intégrer dans une même image, par logiciel, des objets acteurs-décors filmés séparément.

Le compte Instagram Movie Effects VFX (@movie.effects.vfx) dévoile régulièrement les dessous de fabrication des effets spéciaux

  • Le fond vert

Disponible en papier, vinyle ou toile (plus facilement pliable et transportable), le fond doit être vert ou bleu car ce sont des couleurs quasiment absentes de la pigmentation de la peau et que l’incrustation s’en trouve facilitée. Attention donc de ne pas porter des vêtements ou accessoires de la même couleur ! Pour la fixation, une tringle ou des aimants puissants feront l’affaire, dans une pièce disposant d’un espace confortable.

  • L’éclairage

Qu’on dispose d’un éclairage professionnel ou non, il sera important d’éclairer uniformément le fond vert, en commençant par bien tendre la toile pour éviter les plis (à l’aide de gaffer par exemple) ; on pourra placer un spot de chaque côté du fond. Le sujet filmé se placera suffisamment loin du fond vert pour éviter les ombres projetées, et pourra être également éclairé si le lieu ne l’est pas suffisamment naturellement.

Installation d'un studio fond vert

  • La caméra

Qu’il s’agisse d’un téléphone ou d’une caméra, on veillera à choisir les réglages de la meilleure qualité possible. L’appareil sera fixé sur un trépied pour une meilleure stabilité. Le cadre devra être fait de sorte à ce que l’arrière-plan filmé soit complètement vert. Les acteurs sont en place ? Et… ça tourne !

  • L’incrustation

C’est le moment de remplacer le fond vert par l’arrière-plan, qui pourra être une vidéo réalisée ensemble à partir d’un décor réel, une vidéo d’un lieu exotique ou fantastique, à l’échelle surprenante (dans lequel l’acteur semblera géant ou au contraire tout petit), ou encore d’un extrait de film dans un esprit de remake ou de détournement.

Quel que soit le logiciel de montage utilisé, le procédé sera le même : importer les deux fichiers vidéos dans le logiciel, placer sur la timeline le fond sur lequel le sujet sera incrusté, puis la vidéo avec le fond vert sur la piste au-dessus. Le procédé d’incrustation varie ensuite selon le logiciel choisi, mais reste très simple sur les logiciels fournis par défaut avec votre système d’exploitation (les autres exigeront un examen approfondi du mode d’emploi ou quelques tutos !).

  • L’étalonnage

Cette pratique de post-production consiste à manipuler la luminosité et les espaces sensitométriques et colorimétriques des images afin d’apporter un rendu final équilibré entre chaque plan ou au sein d’une même image. Elle s’avérera nécessaire avant l’incrustation si le fond vert n’est pas suffisamment uniforme, ou après pour équilibrer les ombres et les lumières du sujet filmé par rapport à l’arrière-plan.

Pour aller plus loin

  • La transparence

Vous n’êtes pas à l’aise avec les logiciels de montage ? Alors expérimentez plutôt l’ancêtre du fond vert ! La transparence consiste à projeter, à l’aide d’un vidéo-projecteur placé derrière un écran translucide (qui peut être un simple drap), des images (préalablement filmées) qui servent de fond aux acteurs. La caméra filme en même temps les acteurs au premier plan et les images projetées en arrière-plan. Très utilisée des années 30 aux années 60 pour des scènes montrant par exemple des personnages se déplaçant dans des véhicules (une voiture dans un studio et le paysage défilant sur un écran derrière), ce procédé a été délaissé au profit du fond vert.

La Main au collet, d'Alfred Hitchcock (1955), Paramount Pictures.

Conseil : régler les lumières sur les comédiens en fonction de la projection arrière qu’il ne faut pas éclairer ; le cadreur évitera par ailleurs d’aligner sa caméra avec le projecteur.

A voir : l’extrait de Lifeboat (Alfred Hitchcock, 1944) dans la frise retraçant l’Histoire des trucages et effets spéciaux cinématographiques.

La Mort au trousse, d'Alfred Hitchcock(1959), Metro Goldwyn Mayer.

  • Travail sur le son

Le son, facteur essentiel de la qualité esthétique d’un film, permet d’immerger le spectateur, accompagne l’émotion et donne du sens à l’image. Il participe donc pour beaucoup à la crédibilité des images. A vous d’imaginer le design sonore qui accompagnera au mieux l’univers inventé et prolongera la magie du fond vert !

Retrouvez le numéro complet Upopi#21sur les trucs et effets spéciaux : En effets, en effets

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