Séance 7 : Couleurs merveilleuses

On a coutume de penser que les films en couleurs ont peut-être l'air plus « vrais », plus proches de la réalité. Mais si l'on prend le temps de bien regarder certains films, c'est souvent l'inverse qui se produit. La couleur permet de figurer des mondes imaginaires, quand il ne s'agit pas simplement de s'échapper d'un monde réel trop terne. L'entrée dans la couleur signifie alors l'entrée dans un monde merveilleux, dans le monde du rêve.

Un des films référence qui exploite cette idée est Le Magicien d'Oz de Victor Flemming. Le passage de Dorothy du monde « réel » au monde « imaginaire » (et pourtant bien plus « vrai » et riche en émotions), est marqué par le passage du noir et blanc à la couleur.

Le Magicien d'Oz (1939), de Victor Fleming, George Cukor, Mervyn LeRoy, Norman Taurog, King Vidor. Produit par MGM.

Petit exercice d'analyse de la couleur

Regardez bien cet extrait des Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967) : le décor vous semble-t-il correspondre à la réalité d'une petite ville ? Notez à quel moment les couleurs du décor vous semblent incongrues. Quelles sont ces couleurs ? Où sont-elles situées (sur quels objets, quels éléments du décor, quels costumes) ? Quelle impression le choix de ces couleurs donne-t-il à la vision du film ? La danse de Catherine Deneuve vous semble-t-elle plus acceptable dans un tel décor ? Y a-t-il une couleur qui vous semble détonner avec les autres ? (le rouge).

Les Demoiselles de Rochefort, de Jacques Demy (1967), musique de Michel Legrand. Produit par Madeleine Films, Parc Film. Restauré et distribué par Ciné-Tamaris.

Quelques touches de couleur

À votre tour, à partir d'une photo en noir et blanc ou d'un lieu terne ou peu coloré de votre environnement quotidien (la cour de l'école en plein hiver, les toilettes de l'école), ajoutez quelques touches de couleur qui vont « enchanter » le réel, le transfigurer sans qu'il soit besoin de le repeindre entièrement avec toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Parfois les résultats peuvent être étonnants, incongrus, à l'image de ce que propose Jacques Tati dans Mon oncle.

Mon oncle, de Jacques Tati (1958) produit par Gaumont, Specta Films, Gray-Film, Alter Films.

Cet extrait, pour les élèves plus âgés, peut les amener à prendre conscience que l'utilisation de la couleur au cinéma peut se faire par touches dans un univers volontairement grisé, mais dans ce cas précis la couleur n'évoque pas la joie de vivre, au contraire, puisqu'elle est associée à des objets ridicules, inconfortables, très peu pratiques. La question qui se pose ici est plutôt : la couleur (c'est-à-dire la vie, la joie, le bonheur) est-elle assez présente dans la vie de cette famille ? N'a-t-on pas plutôt l'impression qu'ils ne savent pas profiter pleinement de la vie et que finalement ce sont les teintes grises (de la maison et du jardin) et blanches (de la cuisine) qui prédominent ? Les couleurs ne sont ici qu'apparence, superficialité, voire déguisement pour la voisine.
Alors que dans cet extrait de la comédie musicale Chantons sous la pluie de Stanley Donen, les couleurs sont associées au rêve et à la fantasmagorie, à un monde où tout est possible.


Parcours conçu par Suzanne Hême de Lacotte (avril 2015)